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Marco ZINGARIELLO, DVM, Res ACVP, et Benoit RANNOU, DipACVP&ECVCP, spécialiste en biologie médicale.

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Image de mélanome oral (Coloration MGG, objectif x50).

À noter la présence de granules de mélanine (granules noirâtres) dans le cytoplasme de certaines cellules et libres sur le fond (conséquence de lyse cellulaire). Les cellules montrent une anisocytose et une anisocaryose marquées (avec présence de cellules géantes multinucléées), des atypies nucléaires importantes (présence de nucléoles proéminents de taille et forme variable, inclus des macro-nucléoles). Ces atypies témoignent du caractère malin de la tumeur.

 

Le mélanome est considéré comme la tumeur maligne buccale la plus fréquente chez le chien.

Cette tumeur est généralement très agressive sur le plan local, avec envahissement des os (57 % des cas), métastases aux nœuds lymphatiques régionaux (30,3 % à 74 % des cas), et aux poumons et d’autres organes éloignés dans (14 % à 92 % des cas) (1).

L’examen cytologique est un outil de diagnostic peu invasif, utilisé quotidiennement (et souvent en première intention) en médecine des animaux de compagnie pour le diagnostic du mélanome oral (2).

Le mélanome malin peut être subdivisé en trois modèles sur la base de la forme des cellules :

  • Epithélioïde : cellules rondes à polygonales
  • À cellules fusiformes : cellules similaires à des fibroblastes
  • Forme mixte : cellules rondes/polygonales ou fusiformes

Le mélanome malin peut être de type hautement mélanotique ou hautement anaplasique achromique (1). La différence principale entre les deux variantes repose sur la présence ou sur l’absence (respectivement) des granules de mélanine dans le cytoplasme. La performance diagnostic de l’analyse cytologique est supérieure dans la première variante (mélanotique) en raison de la présence de granules cytoplasmiques de mélanine facilement identifiables et spécifiques des mélanocytes.

Le diagnostic cytologique préliminaire est basé sur la morphologie cellulaire et nucléaire : la présence, la taille et la distribution des nucléoles et la présence de granules cytoplasmiques, de vacuoles, la production de matrice extracellulaire, la kératinisation et d’autres critères microscopiques largement acceptés (3). Le mélanome achromique a un indice mitotique plus élevé que le mélanome mélanotique (1).

Une étude portant sur 18 chiens présentant un mélanome oral a mis en évidence une sensibilité de 66,7 % (IC 95 % 46,7-82,0 %) et une spécificité de 85,7 % (IC 95 % 60,1-96,0 %) dans le diagnostic du mélanome achromique (3). En combinant, l’examen cytologique avec de l’immunocytochimie (Melan A, Cytokératine et Vimentin), la spécificité et la sensibilité était de 100 %.

En conclusion, l’analyse cytologique apparaît être un outil diagnostique de première ligne, peu invasif, rapide, qui ne nécessite pas forcément d’anesthésie (2), et qui présente une bonne sensibilité et spécificité diagnostiques (3).

1 Tomoko Nishiya et al ; Comparative Aspects of Canine Melanoma; Veterinary sciences 2016

2 Bonfanti U, Bertazzolo W, Gracis M, Roccabianca P, Romanelli G, Palermo G, et al. 205 (2) : 322-7. The Veterinary Journal. Aug 2015.

3 Przezdziecki et al. ; Accuracy of routine cytology and immunocytochemistry in preoperative diagnosis of oral amelanotic melanomas in dogs; Veterinary Clinical Pathology ISSN 0275–6382

Par Nicolas GIRARD, DipEVDC, spécialiste en dentisterie.

Axel est un chien croisé de 3 ans qui présente un premier épisode d’otite externe bilatéral il y a 1 an (gauche plus marqué qu'à droite). Des soins locaux de nettoyage prescrit par son vétérinaire n’apportent pas d’amélioration. Après ré-évaluation sous sédation un épillet est retiré au niveau du conduit auditif externe (CAE) gauche avec blessure observée au niveau de la membrane tympanique. Une prescription orale de prednisolone et des soins locaux à l’aide d’une solution de chlorhexidine stabilisent l’inflammation avec retour vers un comportement proche de la norme.

Les propriétaires observent à nouveau un prurit auriculaire après arrêt de la prescription. Avec le temps une douleur semble s’instaurer pendant la phase de préhension orale. Malgré différents traitements locaux et de cortisone par voie orale la persistance des symptômes locaux et de la douleur pendant la phase des repas sont notés.

Un bilan auriculaire est demandé dans un contexte d’otite chronique bilatérale aggravée de douleur à la préhension orale. Après mise sous anesthésie générale, l’examen Cône Beam CT montre des structures de l’oreille interne dans la norme, des contours osseux des bulles tympaniques droit et gauche lisses et réguliers avec cavités tympaniques aériques. Les parois des CAE sont peu épaissies sans hyperatténuation minérale de leurs parois. Une obstruction discrète de la lumière du CAE droite est notée en région proximale. (photo 1). Dans le même temps anesthésique un examen vidéo-otoscopique met en évidence une inflammation cérumineuse des deux CAE avec congestion des glandes cérumineuses (photo 2). En région horizontale du CAE droit un céruminolithe obstrue la totalité de la lumière du conduit (photo 3). En partie proximale des conduits un bouchon important est mis en évidence. A l’aide d’une hanse de Billaud le bloc de cérumen et les bouchons sont curetés sous irrigation stérile et l’espace péri tympanique soigneusement assaini (photo 4). L’examen confirme la bonne intégrité des membranes tympaniques avec un aspect peu fibrosé.

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Photo 1                                                                                                                     Photo 2                 

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Photo 3                                                                                                                     Photo 4               

Le traitement prescrit comporte la mise en œuvre de séquences de détersion sous pression associées à l’application d’un topique à base de cortisone, sous une forme collyre. Celui-ci sera prolongé sur le temps long, en jours alternés, suivant l’observation de signe d’un inconfort local ou de démangeaisons.

Le cérumen est un substrat composite produit par les glandes sébacées et cérumineuses présentes au niveau des parois cutanées du CAE. Il se compose d’un mélange de cellules épithéliales et de sécrétion lipidique apocrine.

L’hyperplasie des glandes cérumineuses s’observe sous la forme d’une multitude de petits nodules ayant la forme d’un pois, connectés par leurs canaux à la surface des parois de l’épithélium du conduit auditif. La propriété hydrophobique du cérumen constitue une protection importante des cellules des parois. Certains de ses composants, interleukines – lysozyme, démontrent une activité anti bactérienne. Le nettoyage régulier du cérumen n’est donc pas recommandé chez le chien et le chat.

La migration périphérique des cellules épithéliales du centre de la membrane tympanique vers l’entrée du CAE est de l’ordre de 0,2mm par jour chez le chien. Un arrêt de la migration épithéliale des parois participe à une sur accumulation de cérumen au niveau des parois proximales du CAE. L’obstruction de la lumière du conduit aggrave l’incapacité de migration des cellules épithéliales qui favorise le maintien du statut inflammatoire du CAE. Le cérumen prend parfois une texture inhabituelle très dense, véritable ‘calcul de cérumen’. 

L’accumulation de cérumen est mal observée par l’imagerie de coupe. A l’examen direct le bouchon de cérumen peut être confondu par excès à la membrane tympanique suivant la qualité des conditions de l’examen. Un examen sur animal vigile limite l’accessibilité et la visibilité. L’endoscopie du conduit auditif est l’examen de choix pour apprécier la bonne perméabilité de la lumière du conduit auditif. Sous irrigation stérile elle permet de retirer délicatement tous les débris accumulés derrière le bouchon, de bien nettoyer le conduit proximal notamment l’espace péri tympanique. Celui-ci se présente déclive à la  membrane tympanique qui présente un angle de 45% à l’axe du CAE.

L'otite externe canine est une affection fréquemment observée avec une incidence approximative de 10 à 15 % des consultations. L'otite externe érythémateuse (OEE) est de loin la forme la plus fréquente alors que les formes suppurées sont plus rares. Les causes favorisantes se distinguent en facteurs prédisposants, facteurs de déclenchement de la maladie et facteurs qui empêchent la résolution de la maladie. Parmi les facteurs prédisposants on note : 

-l’obstruction ou la réduction de lumière du CAE est une des premières causes de chronicité d’une otite.

-les races prédisposées à une production importante de cérumen, les individus présentant un terrain allergique, et les races favorisant une hypertrichose auriculaire sont des facteurs prédisposants qui conditionnent le CAE à cette maladie.

L’installation d’une phase inflammatoire au niveau du CAE engage une surproduction de cérumen qui en elle-même représente le lit du développement des levures et bactéries. Plus qu’une véritable surinfection externe on considère aujourd’hui que le changement de composition du biotope de la lumière du CAE est responsable de l’émergence de nouvelles populations bactériennes défavorables. La raréfaction des populations bactériennes favorables au maintien d’un environnement cutané sain favorise l’émergence d’un biotope où les  conditions sont propices à l’émergence des Staphylocoque et Pseudomonas.

Les infections bactériennes et à levures sont des facteurs secondaires importants qui empêchent la résolution de la maladie. La plupart des cas aigus sont facilement traités avec des produits topiques combinant un antibiotique, un antifongique et un corticostéroïde. L'otite externe récidive souvent en raison de la persistance des facteurs prédisposants qu'ils soient locaux (ex : polype, tumeur) ou généraux (ex : dermatite atopique, séborrhée, hypertrichose). Le cycle continu d'infection et d'inflammation conduit finalement à une sténose progressive de la lumière du CAE par un épaississement/minéralisation de ses parois. L’émergence de bactéries résistantes aux antibiotiques est alors inéluctable.

Le nettoyage efficace de l'oreille est très important car l'exsudat limite l'examen otoscopique, mais surtout limite l’efficacité de la thérapie. La présence d’un bouchon auriculaire et ou de pus et de débris inflammatoires inactivent certains médicaments et empêchent tout contact avec le revêtement épithélial de l'oreille. La première étape du plan de traitement est la détersion du CAE afin d’éliminer l’obstruction mécanique de la lumière du CAE tout en rinçant celui-ci des microbes, toxines bactériennes, débris cellulaires et autres acides gras libres. Elle permet de reperméabiliser le CAE et réduit l'inflammation. Une détersion efficace se réalise sous anesthésie dans un premier temps mais devra être renouvelée régulièrement suivant la progression de la rémission de l’inflammation. Il s'agit du traitement principal en cas d'échec de la migration épithéliale, car il empêche l'accumulation de cérumen et de débris susceptibles de modifier l'environnement du conduit auditif et de favoriser une infection bactérienne ou à levures secondaire (Poire à oreille + eau assainie).

La seconde étape du plan de traitement est l’irrigation du CAE avec un liquide présentant des propriétés chimiques adaptées aux facteurs secondaires de l’inflammation. Privé d’antibiotique ou d’anti inflammatoire, l’irrigant a pour objectif de réaliser une infusion des parois du CAE, donc de rester longtemps en contact avec ses parois. Il facilite une modification de la structure du cérumen, ou de l’environnement acido basique du milieu ou autres actions enzymatiques aptes à réguler le biotope vers un équilibre plus favorable.

La dernière étape du traitement doit toujours être questionnée avant sa mise en œuvre. L’utilisation d’un topique auriculaire avec antibiotique et ou de cortisone devait être justifiée par analyse de bactériologie et questionnement des conditions de la persistance de la phase inflammatoire. Contrairement aux antibiotiques, les antiseptiques agissent sur le site d'application et sont moins susceptibles de favoriser la résistance lorsqu'ils sont utilisés à des concentrations élevées, bien que la résistance aux antibiotiques puisse émerger après l'exposition de diverses espèces Gram-négatives et Gram-positives à des concentrations sublétales de certains biocides (chlorure de benzalkonium, chlorhexidine, triclosan). Cet aspect a déjà été pris en compte, par certains nettoyants auriculaires.

La prise en charge mécanique des conditions du développement de la phase inflammatoire dans les OEE est très importante. Celle-ci ne peut être bien réalisée qu’après l’établissement d’un diagnostic complet par l’intermédiaire du bilan auriculaire.

Le bilan auriculaire permet de préciser les causes de la persistance de l’inflammation et d’évaluer le pronostic d’une stratégie thérapeutique conservatrice. Dans les cas graves celle-ci devra être mise en balance avec une approche chirurgicale plus radicale (excision complète du CAE).

 

Par Laurent COUTURIER, DipECVDI, spécialiste en imagerie médicale.

Les thymomes sont la deuxième cause de tumeur médiastinale chez le chien après le lymphome thymique et correspondent à des tumeurs épithéliales issus du tissu thymique, ce dernier contenant également des cellules lymphocytaires non tumorales, voire des mastocytes et des éosinophiles. La distinction thymome / lymphome est capitale pour la prise en charge du patient et le gold standard reste la biopsie pré opératoire. Les thymomes relèvent de la chirurgie tandis que les lymphomes de la chimiothérapie. Ces tumeurs sont localisées dans le médiastin crânioventral et ont un comportement soit bénin, soit malin. Une prédisposition semble démontrée chez le berger allemand et le labrador et cette tumeur affecte davantage les animaux âgés que le lymphome médiastinal. Les thymomes sont parfois responsables de signes cliniques neuromusculaires lors de syndrome de myasthenia gravis paranéoplasique. D’où l’importance de les dépister lors d’affection neuro-musculaire en particulier chez l’animal âgé. Les autres syndromes paranéoplasiques rencontrés sont l’hypercalcémie maligne, le syndrome cave crânial.

Le diagnostic différentiel des masses médiastinales inclut :

  • Le thymome
  • Le carcinome thymique
  • Le lymphome médiastinal (origine dans les NL) ou thymique (origine dans le tissu thymique).
  • Le carcinome thyroïdien ectopique
  • Les tumeurs des corps carotidiens
  • Les kystes brachiaux.
  • -e façon anecdotique dans des case reports : fibrosarcome, carcinome neuroendocrine, sarcome, adénocarcinome parathyroïdien, hémangiosarcome
  • Une lésion bénigne : kyste, abcès, granulome, hématome.

Il n’existe pas d’image typique de thymome, néanmoins quelques subtilités d’interprétation des examens d’imagerie associées à un environnement clinique en faveur permettent de formuler cette hypothèse.

Sur les radiographies, les signes de masse médiastinale crâniale sont (figure 1) :

  • Une masse d’opacité tissulaire localisée dans le médiastin crânial avec déplacement dorsal de la trachée, déplacement caudal de la bifurcation trachéobronchique et de la silhouette cardiaque
  • Un élargissement du médiastin sur l’incidence VD ou VD et notamment de sa réflexion crânioventrale.
  • Lors de thymome, des signes radiographiques supplémentaires peuvent être présents lors de myasthénie associée : méga-œsophage et bronchopneumonie par fausse route avec opacification alvéolaire ventrale et généralement asymétrique (si un seul lobe atteint).

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Figure 1. Très volumineux thymome chez un chien (les deux images de G) avec déviation dorsale de la trachée, élargissement sévère du médiastin crânial sur l’incidence de face (flèches jaunes, en bas à G). Thymome de taille moins importante chez un labrador (comparer la largeur du médiastin sur les deux vues de face en bas à G et en bas à D) avec myasthenia gravis associée et mégaoesophage (têtes de flèche bleues).

A l’échographie, une étude (Patterson et al, 2014) montre que les thymomes sont plus hétérogènes avec une composante kystique (Figure 2) en comparaison des lymphomes thymiques. L’échographie de contraste a également montré des prises de contraste différentes entre lymphome (uptake centrifuge uniforme) et thymome (uptake centripète hétérogène).

La masse médiastinale est parfois plus difficile à visualiser lorsque son volume est peu important notamment dans les races à thorax peu profond.

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Figure 2. Volumineuse masse médiastinale compatible avec un thymome chez un chat âgé à l'échographie. Noter la présence de multiples petites structures kystiques (*).

En scanner, les signes de thymome (Figure 4) décrits sont (Von Stade et al, 2019 – Reeve et al, 2020) :

  • Une masse de volume variable (pouvant être de petite taille à une large masse).
  • Un envahissement vasculaire potentiel avec une prévalence de 30% dans une étude.
  • Les masses de petite taille sont majoritairement homogènes en pré contraste, contrairement aux larges masses qui sont plutôt kystiques et hétérogènes en pré contraste.
  • Des métastases sont visibles dans 20% des cas ainsi qu’un épanchement pleural (syndrome cave).
  • Le thymome est plus hétérogène que le lymphome avec une déviation standard de sa densité post contraste plus élevée pour le thymome (SD > 17 UH = thymome avec une sensibilité de 72% et une spécificité de 79%).
  • Le lymphome a plus tendance que le thymome à encercler la veine cave crâniale (Figure 3).
  • Il n’y a pas de différence entre les deux tumeurs pour les signes suivants : envahissement vasculaire, épanchement pleural, calcifications, adénopathie, forme de la masse.

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Figure 3. Lymphome thymique chez un chien. Noter l’aspect homogène de la masse, sa localisation crânioventrale asymétrique G, l’encerclement de la veine cave crâniale (*) par la lésion.

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Figure 4. Thymome chez un chien. Noter l’aspect plus hétérogène de la masse (images en haut à G et en haut à D) en comparaison de la figure 3. L’écart type de la densité de la lésion mesurée en unités Houndsfield est de 17 UH (images en bas à G et en bas à D).

Conclusion : il n’existe pas d’image typique de thymome à l’imagerie et cette hypothèse est formulée dans le diagnostic différentiel de toute masse médiastinale crâniale. Néanmoins, dans un contexte clinique en faveur, certains signes radiologiques permettent de hiérarchiser le différentiel et privilégier cette hypothèse.

Bibliographie

von Stade L, Randall EK, Rao S, Marolf AJ. CT imaging features of canine thymomas. Vet Radiol Ultrasound. 2019 Nov;60(6):659-667

 Reeve EJ, Mapletoft EK, Schiborra F, Maddox TW, Lamb CR, Warren-Smith CMR. Mediastinal lymphoma in dogs is homogeneous compared to thymic epithelial neoplasia and is more likely to envelop the cranial vena cava in CT images. Vet Radiol Ultrasound. 2020 Jan;61(1):25-32

Patterson MM, Marolf AJ. Sonographic characteristics of thymoma compared with mediastinal lymphoma. J Am Anim Hosp Assoc. 2014;50:409-413.

Par Julien FRITZ, DipECVDI, spécialiste en imagerie médicale

Les tumeurs hypophysaires sont relativement fréquentes chez le chien et le chat. On les classe le plus souvent en fonction de leurs tailles : microtumeur ou macrotumeur.

Les microtumeurs hypophysaires, plus fréquentes chez les chiens âgés de petite race et surtout représentés par des microadénomes associées au syndrome de Cushing, ne sont en général pas visible au scanner. A l’examen IRM, ces microtumeurs ne sont généralement pas visibles directement et ne montrent pas de lésion (figure 1), mais peuvent être suspectées par des modifications subtiles telles qu’une augmentation de convexité de la surface dorsale de l’hypophyse, un déplacement dorsal des granules de vasopressine (spontanément hyperintenses en séquence T1W), voire une anomalie du patron de rehaussement hypophysaire.

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Figure 1 : Image transverse au niveau de la selle turcique d’une IRM 1,5, séquences T1W, de l'encéphale d'un chien présentant un syndrome de Cushing d’origine hypophysaire aux explorations biologiques, sans anomalie significative de l’hypophyse (flèche rouge) à l’IRM, pouvant suggérer un microadénome hypophysaire. Crédit : Azurvet.

Les macrotumeurs hypophysaires les plus fréquentes sont les macroadénomes, adénomes invasifs et carcinomes (seuls ayant un potentiel métastatique).

Chez le chien, plus souvent âgés et de grande race, elles peuvent être à la fois associées à des signes cliniques manifestes d’un dysfonctionnement hypophysaire (en particulier un  syndrome de Cushing, mais possiblement d’autres signes moins spécifiques tels qu’une dysorexie ou une léthargie) ou à des signes cliniques dues aux effets de masse intracraniens. Chez le chat, la présentation pour dysendocrinie est rare et le signe clinique le plus fréquent est une perte de vision avec altération de la conscience.

Compte-tenu de leur grande taille, leur localisation suprasellaire et leur forte prise de contraste (en lien avec leur caractère extra-axial), ces macrotumeurs sont généralement bien visibles à la fois au scanner et à l’IRM (figures 2, 3).

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Figure 2 :  Images scanner de reconstruction sagittale (gauche) et transverse au niveau de la selle turcique (droite), fenêtrage cérébral, après injection de contraste intraveineux. Une large lésion extra-axiale suprasellaire est visible (flèches) rehaussante en post-contraste, compatible en priorité chez ce patient avec un macroadénome hypophysaire. Crédit : Azurvet.

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Figure 3 : Image transverse au niveau de la selle turcique d’une IRM 1,5T de l'encéphale d'un chien, séquence T1W avant (gauche) et après (droite) injection IV de gadolinium. Noter une macrotumeur hypophysaire avec forte prise de contraste (flèches bleues). Crédit : Azurvet.

L’évaluation de la taille de macrotumeurs hypophysaires rapportées à la taille de l’encéphale (figure 4) est relativement similaire entre les deux modalités d’imagerie bien que l’IRM apporte une meilleure résolution tissulaire pour en déterminer les dimensions de façon plus fiable.

 

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Figure 4 : Réalisation d'un ratio de la taille de l'hypophyse sur l'aire cérébrale en coupe transversale au scanner. Crédit : Azurvet

L’IRM permet également d’évaluer de façon plus sensible un éventuel œdème périlésionnel avec les effets de masse engendrés. L’apoplexie, saignement de l’hypophyse, peut être visible au scanner mais identifiée de façon plus sensible également par examen IRM en effectuant une séquence « écho de gradient » (T2*) sensible aux artéfacts de susceptibilité engendrés par les saignements (figure 5).

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Figure 5 : Image transverse au niveau de la selle turcique d’une IRM 1,5T de l'encéphale d'un chien, séquence d'écho de gradient (T2*) montrant un artéfact de susceptibilité en région suprasellaire (flèches bleues), signant en complément des autres séquences un saignement hypophysaire (apoplexie). Crédit photo : Azurvet.

 

Par le Dr Magdalena OLENDER, Ancienne résidente du collège européen de neurologie (ECVN).

Un berger allemand de 5 ans est référé pour une ataxie et parésie plus marquées sur les membres pelviens évoluant depuis 4 jours, avec une dégradation depuis 24h. L’examen neurologique met en évidence une ataxie et paraparésie non ambulatoire des membres pelviens ainsi qu’une discrète parésie et retard proprioceptif du membre thoracique gauche. Les réflexes médullaires sont conservés. L’examen des nerfs crâniens étant normal, la localisation neuroanatomique est en faveur d’une myélopathie C1-C5 latéralisée à gauche.

Une IRM de la région cervicale est effectuée et met en évidence une lésion en regard des vertèbres C2-C3, latéralisé à gauche (Fig. 1 et 2). La volumineuse masse occupe jusqu'à 90% de la surface  du canal vertébral en coupe transverse (Fig. 3).

La lésion est hyperintense en séquence T2, hypointense en T1 et rehausse fortement et de façon homogène après l’injection de produit de contraste (Fig. 2 et 3).

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 Figure 1. Image IRM sagittale en séquence T2

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Figure 2.  Image IRM sagittale en séquence T1 postcontraste

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Figure 3.  Image IRM transverse en C2-C3 en séquence T1 post-contraste (3D VIBE) (cercle = lésion, flèche = moelle épinière)

La séquence HASTE (Fig. 4 et 5) montre une image typique d’une lésion intradurale extra médullaire en "tee de golf" ("golf-tee sign" en anglais) (Fig. 4). Cette séquence (HASTE) sert à souligner le signal du LCR qui apparait hyperintense, ce qui donne une image comparable à un myéloscanner (ou une myélographie).

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Figure 4. Image IRM dorsale en séquence HASTE

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 Figure 5. Image IRM sagittale en séquence HASTE

 

Compte tenu des caractéristiques radiologiques, l’hypothèse la plus probable est celle d’un méningiome rachidien.

Les méningiomes, étant des tumeurs extra médullaires et assez bien délimités, sont souvent accessibles chirurgicalement.

Dans le cas de notre patient, un abord dorsal et une hemilaminectomie C2-C3 est effectué. Pendant la chirurgie, la durotomie permet de visualiser la masse, qui est ensuite retirée en bloc (Fig. 6).

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Figure 6.

L’examen histologique confirme l’hypothèse d’un méningiome et permet de classifier la lésion comme un méningiome atypique de grade II.

Un méningiome est une tumeur extra-axiale, qui de développe a partir des méninges. C’est une tumeur presque toujours bénigne, à croissance très lente. Sa localisation préférentielle dans la colonne vertébrale est la région cervicale crâniale, suivi par la région lombaire et rarement thoracique. Les signes cliniques peuvent être initialement très discrets et apparaissent souvent quand la lésion est déjà d’une taille importante, comme dans le cas de notre patient. La prise en charge préférentielle est la chirurgie, associée à une radiothérapie post-chirurgicale. Une chirurgie seule peut donner de bons résultats en terme de survie, avec des récidives rapportées entre 3 mois et 3 ans après chirurgie. La radiothérapie est conseillée en association avec la chirurgie, et peut prolonger la période sans récidive jusqu’à 6 ans (avec une moyenne de survie de 508 jours dans une étude).

Bibliographie : 

Lacassagne K, Hearon K, Berg J, et al. Canine spinal meningiomas and nerve sheath tumours in 34 dogs (2008-2016): Distribution and long-term outcome based upon histopathology and treatment modality. Vet Comp Oncol. 2018;16(3):344-351.

Petersen SA, Sturges BK, Dickinson PJ, et al. Canine intraspinal meningiomas: imaging features, histopathologic classification, and long-term outcome in 34 dogs. J Vet Intern Med. 2008;22(4):946-953. 

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