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Cas du mois 07/20 : concussion dentaire

Par Nicolas Girard DipEVDC et Simon Gault, ResEVDC.
 
Un berger belge malinois male entier de 14 mois est présenté à son vétérinaire pour des difficultés de mordant au travail celui-ci refusant la prise en pleine gueule ; la douleur semble évoluer depuis 2-3 mois. L’examen clinique du vétérinaire traitant souligne une mobilité de la dernière prémolaire maxillaire droite sans pour autant noter de fracture dentaire. A ce stade une demande de prise en charge complète nous est adressée.
 
PM4

 
A l’admission le propriétaire reporte un bon état général, un appétit conservé, une préhension orale normale et confirme la modification de comportement au mordant. Le prolongement de la discussion permet d’identifier un choc maxillofacial apparu 3 mois auparavant au cours d’une chute mais semblant à postériori sans conséquence. L’examen clinique général est bon et l’examen vigile de la cavité orale présente une denture sans fracture ou lésion dentaire spécifique. On observe tout de même une tuméfaction discrètement proliférative et localisée en regard de la carnassière maxillaire droite (Pm4). L’examen oral ne semble pas douloureux mis à part la percussion de la dent qui conduit à un réflexe de retrait et permet dans le même temps de confirmer une mobilité d’Index 1. La lésion inflammatoire est identifiée au-dessus de la ligne mucogingivale, s’étend le long du grand axe de la dent et n’engage pas la gencive. La couronne de la dent apparait intègre et sans modification de couleur.
 
A ce stade une suspicion de parodontite périapicale associée à ostéite alvéolaire faisant suite à une concussion dentaire est envisagée. Le diagnostic différentiel comprend une tumeur odontogène, une ostéite et une malformation dentaire. Une série d’examens complémentaires est proposée afin de statuer sur la nature de la lésion. Les différentes options thérapeutiques sont expliquées suivant les étiologies envisagées et le propriétaire souligne son désir de soins conservateurs, dans la mesure du possible.
L’examen parodontal révèle un sondage dans la norme (1-2mm, non actif) et confirme la mobilité dentaire avec un Index de grade 2 (mobilité latérale 2mm – absence de mobilité verticale). La lésion proliférative présente une fistule en direction de l’os alvéolaire et déclenche un saignement spontané.
Un examen d’imagerie par Cône Beam CT est entrepris afin de statuer précisemment sur la nature des lésions alvéolaires et racidulaires.
 
    

Racine mesiovestibulaire 108                     Racine mésiopalatine 108                           Racine distale 108.

 

    

Apex des 3 racines de 108                          Apex des 3 racines de 108                           Racine distale de 108–os alvéolaire (flèche bleue).

 
On note à l'examen CBCT :
- une ostéolyse alvéolaire sévère en projection des trois racines de 108, celle-ci s’étendant à l’évidence de l’apex en direction de la marge alvéolaire
- une discontinuité des corticales osseuses conduisant à plusieurs trajets de fistule intra osseux (vestibulaire, nasal)
- une sclérose discrète de l’os alvéolaire en région dorsale
- des lésions de résorptions radiculaires inflammatoires sur les trois racines dont une d’entre elle (racine mésio vestibulaire) conduit à une perméabilité du canal radiculaire
- une couronne dentaire intègre
- l’absence d’images compatibles avec une malformation ou lésion proliférative. Le reste des structures dentaires et maxillo-faciales apparait intègre en particulier les carnassières mandibulaire droite et maxillaire gauche.
 

  
 
La reconstruction 3D en filtre osseux permet de créer les images adaptées à une communication didactique avec le propriétaire : comparer l'aspect des racines de PM4 à droite et à gauche. 
 
En résumé, la carnassière maxillaire droite présente trois lésions périapicales inflammatoires avec extension sévère au sein de l’os alvéolaire, mais préservant la gencive et la marge alvéolaire. La lésion est aggravée par divers foyers de résorptions inflammatoires marqués. Ce tableau lésionnel confirme l’hypothèse de concussion dentaire avec ischémie de la pulpe dentaire faisant suite à un choc par compression. L’ischémie pulpaire, par nature irréversible, évolue rapidement en nécrose pulpaire (aseptique) puis engage une parodontite périapicale et une ostéite plus ou moins diffuse (lésion endo parodontale complexe).
 
Plan de traitement / le tableau clinique est jugé sévère. Une lésion de résorption dentaire inflammatoire est très difficile à stabiliser même après contrôle du foyer inflammatoire. Dans ce cas la mise en évidence d’une extension dentino pulpaire en aggrave le pronostic. La résorption est irréversible et se prolongera malgré tout traitement par un affaiblissement majeur des trois racines. Malgré la demande de soins conservateurs l’extraction dentaire apparait donc comme le traitement recommandé.
Traitement / après injection d’un soluté d’articaïne adrénilée comme analgésique loco régional, un lambeau trapézoïdal mucopériosté est réalisé. Les différents racines sont séparées à l’aide d’une fraise tungstène ronde iso 2 montée sur contre angle bague rouge - les trois racines sont luxées en veillant au bon respect de l’intégrité des apex - un curetage chirurgical des alvéoles est effectué afin de limiter les tissus inflammatoires résiduels – les marges de l’os alvéolaire sont atténuées (alvéoplatie) – le lambeau mucco gingival est déplacé médialement pour recouvrir les loges alvéolaires, puis stabilisé par des points simples (monofilament résorbable 4.0).
 
Discussion
 
Suivant la classification adoptée par l’International Association of Dental Traumatology en 2012 (Anderssen) cette lésion représente un exemple de trauma dento alvéolaire de type concussion dentaire. La compression de la dent par le choc est associée à une compression vasculaire au niveau du faisceau vasculaire périapical. La lésion est de nature inflammatoire et non infectieuse. Elle évolue plus ou moins rapidement suivant la sévérité du choc et l’âge du patient. Plus le volume de pupe dentaire est important (animal jeune) et plus la sévérité de la phase inflammatoire post nécrose est sévère. Une surinfection bactérienne apparait avec le temps suivant le processus d’anachorèse. La lésion engage l’os alvéolaire et le ligament parodontal de façon secondaire avec sur la forme aigüe la formation d’un abcès et d’une fistule de drainage au sein de la trame osseuse la plus adaptée (facial, oral, nasal ou périorbitaire). Dans ce cas clinique on observe plusieurs types de trajet de fistule suivant la racine concernée.
Le traitement conservateur d’un traumatisme dento alvéolaire comprend la stabilisation de la dent affectée (gestion parodontale) couplée d’un traitement canalaire (gestion endodontique). Le traitement de contention est poursuivi sur 3 semaines et permet une bonne rémission de l’ostéite et une régénération du ligament parodontal.
Pour ce cas clinique, un traitement conservateur n’a pu être engagé compte tenu de l’avancée des lésions inflammatoires au niveau des racines dentaires. Celui-ci aurait tout de même permis la cicatrisation des lésions alvéolaires et ligamentaires mais n’aurait pas suffi à limiter ou arrêter la progression des résorptions radiculaires avec sous 1 à 3 ans une perte de support mécanique de la couronne dentaire et surtout la persistance pendant cette période d’un statu algique résiduel à bas bruit.
 
La concussion est une forme sournoise de traumatisme dentoalvéolaire. Ce cas clinique souligne l’importance du délai de prise en charge des traumas dentaires. Les commémoratifs d’algie faciale (prurit, dysorexie, modification de la préhension orale, larmoiement,..) doivent être mise en relation avec un éventuel trauma, une lésion orale supra gingivale, une fistule faciale. Un examen radiologique dentaire permet alors la plupart du temps de confirmer l’existence d’une lésion intra osseuse active d’origine dentaire. En cas de doute il est toujours recommandé d’engager un bilan dentaire à court terme.
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