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Image du mois 12/21 : intérêt et réalisation de l'endoscopie lors de diarrhée chronique

Auteur : Dr Elsa EDERY, DipECVIM, spécialiste en médecine interne. 

Une chienne labrador stérilisée de 6 ans est présentée pour diarrhée évoluant depuis 2 mois  avec selles ramollies, présence de sang en nature et douleur abdominale. Des traitements symptomatiques à base de métronidazole et prednisolone à dose anti-inflammatoire ainsi qu’une alimentation hautement digestible avaient amélioré de façon temporaire les symptômes mais avec des rechutes à l’arrêt des traitements.. Devant la persistance des symptômes et l’apparition d’un amaigrissement et de méléna la chienne est référée pour exploration approfondie de la diarrhée. L’ensemble des caractéristiques de la diarrhée indique une entéropathie mixte (atteinte du grêle et du colon)

L’examen clinique ne montre pas d’anomalie à l’exception de muqueuses roses pâles. Un bilan sanguin confirme la présence d’une anémie modérée fortement régénérative, en faveur d'un saignement digestif et une leucocytose majeure avec virage à gauche, en faveur d'une inflammation. Une hypoalbuminémie et une hypocholestérolémie sont présentes. Le dosage des acides biliaires pré prandiaux est normal. L’analyse urinaire et le ionogramme sont normaux. Une analyse de selles montre la présence d’œufs d’Uncinaria stenocephala, et  de Cryptosporidium  par une test ELISA positif. Une hypocobalaminémie sévère avec folates normaux est documentée signant une malabsorption secondaire à une atteinte de l’iléon. Le dosage de la TLI exclut une insuffisance pancréatique exocrine.

Une échographie abdominale montre une stase liquidienne digestive avec images suggérant des ulcérations de surface de la muqueuse.

Une endoscopie digestive (gastroduodénoscopie et colonoscopie) après préparation du colon est réalisée. Une légère antrite est présente. Une lésion duodénale circumférentielle avec irrégularité et friabilité de la muqueuse, ulcération, décoloration, atrophie villositaire s’étend sur quelques centimètres distalement au pylore. Un épaississement diffus de la muqueuse colique avec perte de visualisation des vaisseaux sous muqueux est présent. La muqueuse de l’iléon, observée après cathétérisation de la valve iléocolique, est irrégulière. Des biopsies de l’estomac, duodénum, iléon, colon et de la ésion sont réalisées. L’histologie montre une inflammation diffuse (infiltration par des lymphocytes, des plasmocytes et des éosinophiles) dans tous les segments biopsiés plus sévère dans l’iléon. Sur la lésion duodénale identifiée, une prolifération adénomateuse est observée.

La localisation de la lésion duodénale, centrée sur la région des papilles duodénales ne permet pas une exérèse « simple » : une cholécystoduodénostomie serait nécessaire pour l’exérèse de la lésion, prédisposant à des complications infectieuses ascendantes aggravées par le traitement immunosuppresseur, avec un pronostic réservé à moyen et long terme. Un traitement médical avec régime d’élimination hypoallergénique (à base de protéines hydrolysées), vitamine B12 par voie parentérale, oméprazole, clopidogrel, chlorambucil, vermifugation et azithromycine pour la cryptosporidiose ainsi que l’arrêt progressif de la corticothérapie permet une amélioration rapide des signes cliniques et biologiques de la chienne. L’état général de la chienne se maintient et des contrôles échographiques et endoscopiques dans les mois suivant le diagnostic montrent une amélioration endoscopique de la lésion duodénale qui demeure stable sans transformation maligne vers un adénocarcinome. La lésion duodénale reste non visible à l’échographie motivant donc la surveillance par endoscopie.

Lors de diarrhée chronique (définie par une évolution depuis plus de 3 semaines), un recueil des commémoratifs permet de localiser le ou les segments atteints selon les caractéristique de la diarrhée (intestin grêle vs colon ou mixte) et permet de guider au mieux le choix des examens complémentaires. Selon l’état clinique du patient et la sévérité des symptômes, la démarche diagnostique peut être réalisée plus ou moins rapidement mais doit être systématique incluant bilan sanguin, coproparasitologie, biopsies intestinales.

Sur un patient stable avec appétit conservé, après élimination de troubles systémiques, infectieux, et tumoraux, il est possible de retarder l’endoscopie et de privilégier des essais thérapeutiques à visée diagnostiques. En effet en cas d’amélioration de la diarrhée suite à un régime d’élimination, la diarrhée sera qualifiée de diarrhée répondant à l’alimentation. De même, pour les diarrhées répondant à une antibiothérapie.

Une coproscopie et une vermifugation prophylactique sont recommandées, car une parasitose intestinale comme sur notre patient, bien que n’étant pas la cause primaire de la diarrhée, nécessite un traitement ciblé.

Les examens sanguins permettent d’exclure des causes systémiques de diarrhée et de rechercher des complications (par exemple, recherche d’anémie férriprive, hypoadrénocorticisme, hypoprotéinémie etc…). Un bilan malabsorption-maldigestion est toujours recommandé pour exclure une insuffisance pancréatique exocrine et rechercher une hypocobalaminémie. L’échographie abdominale permet ensuite de rechercher des anomalies structurelles et d’orienter la suite des examens. L’absence de lésion échographique ne permet cependant pas d’exclure une infiltration intestinale inflammatoire ou tumorale. Selon les études, 26% (Frances et al, 2013) à 38% (Couto et al, 2018)  des chiens avec des lymphomes gastro-intestinaux ne présentent aucune anomalie échographique des segments intestinaux ou des nœuds lymphatiques mésentériques. Lors de l’identification d’une lésion du jéjunum ou d’une lésion profonde affectant la musculeuse et la séreuse, des biopsies de pleine épaisseur chirurgicales seront privilégiées.

A ce stade, en l’absence de lésion structurale à l’échographie sur un patient stable avec une symptomatologie sans caractère de gravité (absence d’hypoalbuminémie, d’hypocobalaminémie, poids stable, bon appétit), il est possible de réaliser un régime d’élimination, pour rechercher une intolérance ou allergie alimentaire. La dénomination actuelle d’entéropathie chronique est maintenant préférée à celle de MICI ou maladie inflammatoire chronique de l’intestin et regroupe un ensemble de causes définies par la réponse à une intervention : entéropathie répondant à l’alimentation, entéropathie répondant à une antibiothérapie, entéropathie répondant à un traitement immunomodulateur, entéropathie réfractaire aux immunosuppresseurs. (Dandrieux, 2016).

L’endoscopie digestive permet l’observation de la muqueuse et l’obtention de biopsies multiples sur les segments examinés et intervient de préférence avant le début d’une corticothérapie dans la mesure du possible. L’histologie permet de différencier un processus inflammatoire d’une infiltration tumorale, et de caractériser l’inflammation, sa sévérité mais ne permet pas de conclure quant à la cause sous-jacente, la distinction entre les différentes entéropathies se fait par des essais thérapeutiques à visée diagnostique.

Photo 1 : Lésion duodénale : irrégularité, érosions de la muqueuse, atrophie villositaire. Photo 2 : Suivi de la lésion duodénale à 6 mois : un érythème persistant est noté mais l’amélioration de la friabilité et des ulcérations.

Le nombre minimum de biopsies par segment pour assurer un diagnostic fiable lors d’inflammation a été défini dans une étude (Willard et al, 2008) et varie selon le segment biopsié : 6 biopsies de qualité diagnostique adéquate dans l’estomac, 10-15 dans le duodénum, 4-5 dans l’iléon et 9-12 dans le colon chez le chien.

Par rapport aux biopsies chirurgicales, l’endoscopie présente l’avantage d’être moins invasive avec moins de complication et de permettre la réalisation de plusieurs biopsies par segment mais ne permet pas d’atteindre le jéjunum distal et l’iléon proximal. Les biopsies chirurgicales en revanche seront de pleine épaisseur mais un nombre limité à une biopsie par segment ne permet pas de garantir la représentativité de l’entéropathie.

En conclusion, l’approche d’une diarrhée chronique doit suivre une logique diagnostique stricte avec plusieurs étapes à respecter pour permettre un diagnostic et une prise en charge ciblée. Les essais thérapeutiques ont un rôle important à jouer dans cette démarche et en l’absence de facteurs de gravité clinique sont à privilégier tôt dans cette démarche.

 

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