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Par Elsa EDERY, DipECVIM, spécialiste en médecine interne
Services de médecine interne et d'oncologie médicale.

Anamnèse
Barney est un Labrador mâle castré de 9 ans présenté pour l’évaluation d’une masse gingivale sur l'os maxillaire ayant été remarqué par ses propriétaires 2 semaines auparavant en raison d’une halitose et de saignements buccaux ainsi qu’une difficulté à la préhension des croquettes (voir photo). Une biopsie incisionnelle est réalisée par le vétérinaire traitant avant de référer Barney et est en faveur d’un mélanome oral.
Examen clinique
À l'examen clinique, aucune anomalie n'est notée à l'exception de la présence de cette masse mesurant 3 x 4cm. La palpation des nœuds lymphatiques en région mandibulaire ne met pas en évidence de lymphadénomégalie.

 

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Examen sous anesthésie générale mettant en évidence une masse exophytique pigmentée et ulcérée, intéressant l'os maixllaire rostral / os incisif gauches.

Bilan d'extension
Un examen tomodensitométrique de la tête, du cou et du thorax est réalisé et met en évidence en regard de la masse gingivale une lyse de l'os maxillaire sous-jacent (voir photo). Une recherche du nœud lymphatique sentinelle est réalisée à l'aide d'une lymphangiographie indirecte au moment du scanner. Le nœud lymphatique rétro pharyngé médial gauche est ainsi marqué en premier, confirmant qu'il est le nœud lymphatique sentinelle. Il est néanmoins au scanner de taille normale. Le scanner thoracique ne met pas en évidence de métastases.
 

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Bilan d’extension local par tomodensitométrie montrant la lyse osseuse de l’os incisif associé à la tumeur.


Traitement
Une prise en charge chirurgicale par maxillectomie et lymphadénectomie sélective du nœud lymphatique rétropharyngé gauche est réalisée (voir photos de la pièce d'exérèse et le résultat en postopératoire immédiat). Barney est gardé en hospitalisation 48 heures après la chirurgie pour analgésie et est rendu à ses propriétaires avec une analgésie à poursuivre par voie orale à la maison. La récupération fonctionnelle est excellente.
 

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Vue post-opératoire immédiate après la maxillectomie rostrale


L'histologie confirme qu'il s'agit d'un mélanome avec des atypies cytonucléaires franches avec anisocytose, anisocaryose, noyaux vésiculeux ou hyperchromes, plurinucléolation. L’activité mitotique dépasse 50 mitoses pour 10 champs SHPF. L'examen des marges montre la présence d'une exérèse complète avec des marges supérieures à 15 mm caudalement. Le ganglion sentinelle est, malgré sa taille normale, métastatique à l’histologie.
Le stade du mélanome est donc un stade 3.
En raison de facteurs pronostiques péjoratifs (stade, index mitotique élevé, présence de métastase ganglionnaire), un traitement adjuvant est discuté avec les propriétaires qui choisissent en raison d’une très bonne tolérance la mise en place d'une immunothérapie avec l’Oncept melanoma. Le protocole consiste en une « primovaccination » de 4 injections à deux semaines d’intervalle. Des « rappels » tous les 6 mois sont ensuite prévus, avec des bilans d'extension avant les injections de rappel.
Barney bénéficie d’une durée de survie de 20 mois après le diagnostic, avec progression de la maladie métastatique et apparition de métastase ganglionnaire palpable et de métastases pulmonaires en stade terminal.
Discussion
Le mélanome représente la tumeur diagnostiquée le plus fréquemment dans la cavité orale chez le chien et touche plus particulièrement des chiens adultes âgés en moyenne de 11 ans au moment du diagnostic.
Historiquement, les cockers, caniches et chiens à forte pigmentation de la muqueuse buccale étaient considérés à risque de développer un mélanome oral. Plus récemment, une sur-représentation de Chow Chow, Scottish terrier, Golden retriever et Labrador ainsi que les races croisées pékinois et caniches a également été rapportée. Certaines études démontrent une prédisposition chez les chiens mâles, mais la plupart des études ne reconnaissent pas de prédisposition sexuelle.
Les mélanomes oraux ont classiquement été considérés comme une forme de mélanome avec un comportement biologique agressif, défini comme une invasion loco-régionale, la présence de métastases ganglionnaires et pulmonaires, avec certaines études rapportant des temps médians de survie d'à peine 65 jours chez les chiens en l'absence de traitement. Les différents paramètres identifiés comme pronostiques sont le stade, la présence de métastases à distance, la présence d'atypies nucléaires, l'index mitotique, le degré de pigmentation de la tumeur, les invasions lymphatiques et l'index KI67.
Des études ont néanmoins introduit la notion qu'il existait probablement une population de chien avec des mélanomes oraux susceptibles d'avoir une évolution clinique plus favorable que traditionnellement évoquée. En effet, Spangler et al ont montré que sur 92 % des mélanomes oraux considérés comme malin d'un point de vue histomorphologique, seuls 59 % démontraient un comportement biologique défavorable défini par le développement de métastases et/ou une récurrence locale. De la même façon, dans une autre étude s'intéressant à 64 chiens avec des mélanomes bien différenciés et pigmentés, de la muqueuse labiale et buccale, traités par chirurgie uniquement, seulement 5 % des chiens décédaient de causes liées à leur tumeur, avec des médianes de survie de 34 mois après chirurgie. (Esplin)

La démarche diagnostique, lors de mélanomes de la cavité buccale, consiste à réaliser des examens d’imagerie afin de déterminer le stade de la tumeur.
Selon le staging de l’OMS, les patients avec une tumeur de moins de 2 cm sont considérés stade 1, le stade 2 étant caractérisé par une tumeur mesurant entre 2 et 4 cm, le stade 3 lors de tumeur de diamètre supérieur à 4 cm et/ou présence de métastases ganglionnaires, et en stade 4, lors de la présence de métastases à distance.
Le bilan d'extension doit donc inclure l'évaluation de nœuds lymphatiques régionaux, et du thorax. Historiquement des radiographies thoraciques permettaient la recherche de métastases pulmonaires. De nos jours grâce à la disponibilité des scanner, des examens tomodensitométrie apparaissent plus adaptés pour l'évaluation de l’invasion des tissus environnants de la tumeur (notamment au niveau osseux) et des nœuds lymphatiques régionaux, ainsi que la recherche de métastases pulmonaires de plus petit diamètre. Il faut se rappeler par ailleurs que la palpation des ganglions régionaux, bien qu’incontournable est souvent insuffisante. En effet, alors que des métastases ganglionnaires sont présentes chez 70 % des chiens lors de lymphadénomégalie, 40 % de ganglions régionaux de taille normale sont également métastatiques. De plus, le drainage lymphatique au niveau de la tête est complexe et fréquemment des métastases aux nœuds lymphatiques contro-latéraux ont été décrites. Afin d'évaluer la présence de métastases, l'histologie demeure supérieure à la cytologie en raison de la discordance fréquente entre les deux techniques. Il est donc recommandé d'identifier puis d'extirper le nœud lymphatique sentinelle (défini par le premier nœud drainant la tumeur) à l'aide de techniques d'injection péritumorale de produit de contraste de type Lipiodol ou produit iodé hydrosoluble. Ainsi, Grimes et al ont montré l'utilité du scanner pour l'identification des nœuds sentinelles lors de mélanome, mais les différents patterns de prise de contraste lors du scanner par les nœuds identifiés comme sentinelles n'ont pas permis de prédire leur nature métastatique ou non, rendant donc, la lymphadénectomie sélective nécessaire pour la réalisation d’un bilan d’extension complet.
 

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Exemple de recherche de nœud lymphatique sentinelle par injection de Lipiodol autour de la tumeur, par technique de radiographie (photo 1) et par lymphangiographie indirecte (iohexol) par technique tomodensitométrique (photo 2)

 
La modalité primaire du traitement du mélanome oral demeure la chirurgie avec comme objectif une exérèse complète de la tumeur. Typiquement, des marges entre 2 et 3 cm autour de la tumeur sont recommandées, mais dans la cavité buccale ce type de marge n'est pas toujours réaliste et et les chirurgiens considèrent que des marges de 1 à 2 cm lors de mélanome buccaux bien délimités peuvent être suffisantes.
Dans un deuxième temps, la chirurgie peut être complétée par une radiothérapie des marges lorsque ces dernières ne sont pas complètes, ainsi que des ganglions locaux régionaux lors de nœuds lymphatiques sentinelles métastatiques.
Selon l'emplacement de la tumeur dans la cavité, une mandibulectomie ou maxillectomie partielle est nécessaire afin d'éviter une récidive locale. En effet, il a été montré que les chiens avec des marges histologiques incomplètes avaient un risque presque quatre fois supérieur de décéder de leur tumeur en comparaison avec des chiens ayant eu une exérèse complète.
Les mélanomes sont des tumeurs particulièrement résistantes à la radiothérapie nécessitant ainsi des protocoles avec des doses de radiation élevées. Néanmoins c'est un traitement adjuvant intéressant à la chirurgie lorsque l'obtention de marge complète n'est pas possible. Les taux de réponse varient significativement selon les études, avec des taux de récurrence locale variant entre 26 % lors du traitement de marges incomplètes après la chirurgie vs 45 % lorsque la radiothérapie est utilisée sur une maladie macroscopique.
Étant donné l'absence de large disponibilité de la radiothérapie en médecine vétérinaire, d'autres modalités thérapeutiques ont été développées et ont leur place dans le traitement du mélanome oral chez le chien.
Le rôle de la chimiothérapie dans la prise en charge des mélanomes oraux demeure incertain. En effet, les taux de réponse des mélanomes macroscopiques sont généralement de courte durée, et décevants avec des taux de réponse inférieurs à 30 %. De plus, plusieurs études rétrospectives évaluant l'intérêt de la chimiothérapie adjuvante à la chirurgie ou la radiothérapie n'ont pas montré de différence significative quant au pronostic.
Le recours à l'immunothérapie est une approche thérapeutique potentiellement intéressante lors de mélanome, comme cela est le cas en cancérologie humaine.. Le seul vaccin actuellement commercialisé en médecine vétérinaire est Oncept melanoma, qui a été utilisé sur Barney. Il s'agit d'un vaccin xénogénéique, à ADN codant pour une tyrosinase humaine. La tyrosinase est une glycoprotéine intracellulaire essentielle à la synthèse de mélanine qui est généralement sur-exprimée dans la majorité des mélanomes oraux chez le chien. L'efficacité réelle du vaccin demeure incertaine avec des études montrant des résultats contradictoires : certaines études montrent une amélioration du temps de survie chez les chiens traités par rapport aux chiens non traités, mais des études supplémentaires sont nécessaires sur un plus grand nombre de patients afin de clarifier l'efficacité réelle de cette modalité thérapeutique. Néanmoins, en raison d'une excellente tolérance du vaccin, le traitement à l'Oncept après la réalisation de l'exérèse chirurgicale peut représenter une option adjuvante intéressante pour certains patients. Ce vaccin n'est pas commercialisé en Europe, mais peut être importé sous certaines conditions.
 
Biobliographie
Spangler WL, Kass PH: The histologic and epidemiologic bases for prognostic considerations in canine melanocytic neoplasia. Vet Pathol 43:136–149, 2006
 

Esplin DG: Survival of dogs following surgical excision of histologically well-differentiated melanocytic neoplasms of the mucous membranes of the lips and oral cavity. Vet Pathol 45:889–96, 2008

Janet A. Grimes, Scott A. Secrest, Mandy L. Wallace, Travis Laver, Chad W. SchmiedtUse of indirect computed tomography lymphangiography to determine metastatic status of sentinel lymph nodes in dogs with a pre-operative diagnosis of melanoma or mast cell tumour

Par Anouk ADALSBERG (assistante de chirurgie) et Hervé BRISSOT, DipECVS, spécialiste en chirurgie
  
Un jeune Berger Allemand femelle entière d’un an et demi est présentée en urgence chez son vétérinaire traitant pour abattement sévère et distension abdominale évoluant depuis la veille. Face à l’assourdissement des bruits cardiaques, une échocardiographie est réalisée révélant la présence d’un épanchement péricardique marqué avec tamponnade cardiaque associée. La biochimie et hématologie sanguines sont dans les intervalles de référence. Une péricardiocentèse décompressive échoguidée sous sédation (Butorphanol 0,2 mg/kg IV ; perfusion NaCl 0,9 % 2 mL/kg/h, Lidocaïne locale) est rapidement réalisée, et l’animal est référé au centre vétérinaire AzurVet le lendemain pour la suite de la prise en charge.
A l’admission, l’examen clinique révèle une auscultation cardiaque assourdie à droite, des veines jugulaires distendues, des pouls fémoraux faibles bilatéralement et un abdomen distendu. Des radiographies thoraciques vigiles sont réalisées et mettent en évidence (Figure 1 et 2) une augmentation de taille de la silhouette cardiaque avec une déformation inhabituelle du bord droit (sans continuité avec le bord G - flèches) et une dilatation de la veine cave caudale. Un discret épanchement pleural est visible en amont du cœur avec présence d’une scissure interlobaire sur la vue dorso-ventrale. Compte tenu de la déformation focale du contour cardiaque, le diagnostic différentiel inclut une hernie atriale droite, une hernie péritonéo-péricardique cloisonnée, un kyste, abcès, hématome ou tumeur péricardique.
 
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                                                                                                                                 Figure 1                                                                                                                      Figure 2
 
Une échocardiographie est ensuite réalisée et met en évidence une cavité liquidienne péricardique droite d’aspect anéchogène avec présence en son sein de multiples travées (Figure 3). L’atrium droit et le ventricule droit sont presque complètement collabés en phase diastolique. Les cavités gauches sont également très fortement diminuées de taille. Ce collapsus atrial et ventriculaire droit et gauche suggère de nouveau la présence d’une tamponnade cardiaque. Aucune autre lésion cardiaque n’est visible. Etant donné l’aspect focal de l’épanchement, l’âge de l’animal, et les images échocardiographiques, un diagnostic de kyste péricardique associé à une tamponnade sévère est alors établi, même si une hernie péritonéo-péricardique associée ne peut être exclue à ce stade.
 
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 Figure 3
 
Une péricardiocentèse par ponction du kyste sous sédation est à nouveau réalisée et permet de lever la tamponnade cardiaque et stabiliser l’animal. Compte tenu de la recollection rapide de la cavité péricardique, en accord avec les propriétaires, une prise en charge chirurgicale est réalisée à la suite de la péricardiocentèse.
L’approche chirurgicale choisie sur ce cas est la péricardectomie sous phrénique par thoracoscopie. Un cathéter intraveineux est placé dans la veine céphalique droite, l’animal est prémédiqué avec de la Méthadone (0,2 mg/kg IV) et Midazolam (0,2 mg/kg IV). L’anesthésie générale est induite par injection de Propofol (2 mg/kg IV lente). Après intubation endotrachéale, l’anesthésie est maintenue sous isoflurane dans 100 % d’oxygène. Une ventilation à pression positive intermittente est mise en place juste avant ouverture de la cavité thoracique. Une antibioprophylaxie est mise en place 30 minutes avant le début de la chirurgie (Céphazoline 20 mg/kg IV). Un monitorage régulier des paramètres vitaux (fréquence cardiaque, fréquence respiratoire, saturation artérielle en oxygène, pression artérielle) est réalisé tout au long de la procédure, et une bonne analgésie est maintenue par l’intermédiaire d’une infusion constante de Fentanyl/Kétamine (0,1 mg/kg). Le chien est positionné en décubitus dorsal, quatre points d’entrée sont réalisés. Un port subxiphoïdien est placé en premier, permettant d’y passer un scope rigide afin de guider le placement des autres ports. Deux autres ports sont alors placés en intercostal droit et un port en intercostal gauche, permettant une bonne visualisation du péricarde et du kyste. Une péricardectomie subtotale avec retrait du kyste et d’un maximum d’adhérences sont ensuite réalisés. Une fibrose importante du péricarde est visible et la partie viscérale du kyste apparait très adhérente au myocarde (Figure 4).
 
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                  A : en haut à gauche - B : en haut à droite - C : milieu gauche - D : milieu droit - E : en bas à gauche
 
Aucune hernie péritonéo-péricardique n’est mise en évidence. Le péricarde et le kyste sont envoyés en analyse histologique et un drain thoracique posé avant la fin de l’intervention. Les ports thoraciques sont fermés de manière routinière, le drain thoracique fixé et mis sous vide. Le chien est réveillé et laissé sous Méthadone 0,2 mg/kg IV toutes les 4 heures pendant les 24 premières heures post opératoires et une fluidothérapie à débit d’entretien est maintenue (Ringer Lactate 2 ml/kg/h). L’antibiotique n’est pas continué en post opératoire, et le drain thoracique vidé toutes les 4 à 6 heures en fonction de la production. Le post opératoire se déroule sans encombre, une sortie d’hospitalisation est possible 4 jours plus tard après retrait du drain thoracique. Les soins au domicile comprennent un repos strict pendant 3 semaines et du paracétamol (10 mg/kg PO BID) 3 à 4 jours pour gestion de la douleur.
Le contrôle échocardiographique 3 mois post opératoire ne révèle plus aucune anomalie (Figure 5).
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Figure 5
 
L’analyse histologique a mis en évidence un tissu mésenchymateux oedémateux, richement vascularisé, avec des cellules fibroblastiques d’aspect activé, un discret infiltrat neutrophilique et de grandes quantités de fibrine au sein du stroma et en superficie, compatible avec le diagnostic initial de kyste péricardique. Un an plus tard, les propriétaires rapportent un très bon état général, un chien de nouveau hyperactif et une échocardiographie normale chez le vétérinaire traitant.
 
Discussion
 
Les kystes péricardiques sont diagnostiqués aussi bien chez les chiens que chez les chats. L’étiopathogénie de ces kystes reste actuellement floue avec, à l’histologie, l’absence de couche de cellules endothéliales ou mésothéliales typique du kyste, mais présence en quantité significative de tissu graisseux, fibrine et fibres de collagène entourant la cavité. Dans la plupart des cas de kyste péricardique, une hernie diaphragmatique péritonéo-péricardique est associée, engendrant in fine une détresse respiratoire, obstruction intestinale et tamponnade cardiaque suite à la compression du cœur droit par le kyste (1,2,5,8).
Les cas de kystes péricardiques sont très peu documentés car rares, avec moins de quinze cas décrits sur les vingt dernières années en médecine vétérinaire et une personne sur cent mille atteinte en médecine humaine (0,001 %). Les animaux sont jeunes entre 6 mois et 3 ans sans prédisposition de sexe avec une apparition fréquemment aiguë des signes d’insuffisance cardiaque droite. Cette affection en médecine humaine concerne les femmes entre 40 et 50 ans et restent souvent asymptomatiques (4). Contrairement aux épanchements péricardiques classiques, la radiographie met en évidence une déformation localisée droite visible sur la vue dorso-ventrale du thorax. La radiographie thoracique est donc utile dans le diagnostic d’épanchement péricardique, est peu invasive pour l’animal, largement disponible et peu onéreuse. En revanche cela reste une technique peu sensible (31- 48 %) et moins spécifique (61-67%) que l’échocardiographie et le scanner. L’échographie reste l’examen de choix de première intention pour effectuer le diagnostic de tamponnade et de cavité cloisonnée versus masse, avec une sensibilité opérateur-dépendant mais pouvant aller jusqu’à 82 %. Cette technique ne nécessite pas d’anesthésie et peut alors être réalisée sur des animaux instables. En revanche, l’échocardiographie a des limites concernant l’identification des petites lésions, et ne met pas bien en évidence la relation anatomique du kyste avec les structures avoisinantes, ce qui peut être important pour la prise en charge chirurgicale. Le scanner aide à la planification chirurgicale, est davantage utile lors de hernie péritonéo-péricardique, et pour la détection des métastases pulmonaires non visibles à la radiographie lors de forte suspicion de processus tumoral (2,7,10). Néanmoins, l’accès restreint et le prix moins abordable du scanner limite son utilisation. Dans notre cas, le scanner ne fut pas réalisé en raison de l’instabilité clinique de l’animal.
Chez les chiens et chats, la péricardectomie est recommandée pour éviter les récidives. Ces récidives sont décrites comme élevées dans les jours à années suivant la péricardiocentèse. De plus, des ponctions répétées peuvent engendrer une péricardite constrictive (1,2). L’excision du kyste par péricardectomie est de bon pronostic à long terme (9). La thoracotomie intercostale ou par sternotomie est l’approche standard qui a pour avantages d’avoir une bonne exposition du péricarde et des autres structures épicardiques, et permet de prélever un échantillon de péricarde plus important et limite de ce fait le risque de faux négatifs à l’histopathologie. En revanche, cette technique est considérée comme l’une des procédures chirurgicales les plus douloureuses suite à la transsection des muscles et nerfs thoraciques, ce qui entraine in fine une récupération retardée et une durée d’hospitalisation plus longue. La thoracoscopie a plusieurs avantages par rapport à la thoracotomie, en étant moins invasive et ne nécessitant pas de rétraction des côtes, elle diminue la douleur post opératoire de façon significative, moins de complications de plaie et un retour plus rapide à la fonction (3,5,6,11). En revanche, plusieurs complications y compris un traumatisme du nerf phrénique, une lacération pulmonaire iatrogène, un saignement peropératoire et la nécessité d'une conversion en thoracotomie, ont été associées à la chirurgie thoracoscopique chez les petits animaux. De plus, cela nécessite une instrumentalisation avancée et une formation spécifique (2,3,5). Dans notre cas, aucune complication per opératoire ne fut détectée.
Le kyste péricardique congénital est une affection très rare chez le chien et le chat, qui engendre des signes d’insuffisance cardiaque congestive droite. La stabilisation de l’animal par péricardiocentèse est indispensable et doit être suivie du retrait chirurgical du kyste par péricardectomie subtotale. La thoracoscopie semble être une bonne alternative à la thoracotomie en diminuant significativement la douleur post opératoire et la durée d’hospitalisation. Après traitement chirurgical, le pronostic est bon à long terme.
 
References
 
1. Alkharabsheh, S., Gentry III, J. L., Khayata, M., Gupta, N., Schoenhagen, P., Flamm, S., Murthy, S., & Klein, A. L. (2019). Clinical Features, Natural History, and Management of Pericardial Cysts. The American Journal of Cardiology, 123(1), 159‑163. https://doi.org/10.1016/j.amjcard.2018.09.009
2. Bode, E. (2019). Pericardial disease in the dog and cat. Companion Animal, 24(5), 262‑270. https://doi.org/10.12968/coan.2019.24.5.262
3. Carvajal, J. L., Case, J. B., Mayhew, P. D., Runge, J., Singh, A., Townsend, S., & Monnet, E. (2018). Outcome in dogs with presumptive idiopathic pericardial effusion after thoracoscopic pericardectomy and pericardioscopy. Veterinary Surgery, 48(S1), O105‑O111. https://doi.org/10.1111/vsu.13129
4. Case, J. B., Maxwell, M., Aman, A., & Monnet, E. L. (2013). Outcome evaluation of a thoracoscopic pericardial window procedure or subtotal pericardectomy via thoracotomy for the treatment of pericardial effusion in dogs. Journal of the American Veterinary Medical Association, 242(4), 493‑498. https://doi.org/10.2460/javma.242.4.493
5. Chen, C. Y., Fransson, B. A., & Nylund, A. M. (2017). Intrapericardial cystic hematoma in a dog treated by thoracoscopic subtotal pericardectomy. Journal of the American Veterinary Medical Association, 250(8), 894‑899. https://doi.org/10.2460/javma.250.8.894
6. de Ridder, M., Kitshoff, A., Devriendt, N., Or, M., Rubio - Guzman, A., & de Rooster, H. (2017). Transdiaphragmatic pericardiectomy in dogs. Veterinary Record, 180(4), 95. https://doi.org/10.1136/vr.103962
7. Guglielmini, C., Diana, A., Santarelli, G., Torbidone, A., di Tommaso, M., Baron Toaldo, M., & Cipone, M. (2012). Accuracy of radiographic vertebral heart score and sphericity index in the detection of pericardial effusion in dogs. Journal of the American Veterinary Medical Association, 241(8), 1048‑1055. https://doi.org/10.2460/javma.241.8.1048
8. Hennink, I., Düver, P., Rytz, U., Meneses, F., Moioli, M., Adamik, K. N., & Kovačević, A. (2021). Case Report : Unusual Peritoneopericardial Diaphragmatic Hernia in an 8-Month-Old German Shepherd Dog, Associated With a Pericardial Pseudocyst and Coexisting Severe Pericardial Effusion Resulting in Right-Sided Heart Failure. Frontiers in Veterinary Science, 8. https://doi.org/10.3389/fvets.2021.673543
9. Krentz, T. A., Schutrumpf, R. J., & Zitz, J. C. (2017). Focal intramural pericardial effusion and cardiac tamponade associated with necrotic adipose tissue in a dog. Journal of the American Veterinary Medical Association, 251(2), 201‑205. https://doi.org/10.2460/javma.251.2.201
10. Scollan, K., Bottorff, B., Stieger-Vanegas, S., Nemanic, S., & Sisson, D. (2014). Use of Multidetector Computed Tomography in the Assessment of Dogs with Pericardial Effusion. Journal of Veterinary Internal Medicine, 29(1), 79‑87. https://doi.org/10.1111/jvim.12479
11. Yoon, H. Y., Lee, S., & Jeong, S. W. (2015). Intercostal thoracotomy in 20 dogs : muscle-sparing versus traditional techniques. Journal of Veterinary Science, 16(1), 93. https://doi.org/10.4142/jvs.2015.16.1.93

Par Jérôme COUTURIER, DipVN, spécialiste en neurologie.

Hermione, bruno du Jura femelle de 3 ans est référée en consultation de neurologie pour difficultés locomotrices depuis l’âge de 6 mois. Une boiterie fluctuante a été observée par le propriétaire affectant les membres pelviens caractérisée par des soustractions complètes d’appui sur une ou plusieurs foulées survenant à l’effort ou non et sans douleur visible associée (lien pour visualiser la vidéo 1). Depuis 1 mois des épisodes avec hypertonie d’un ou des 2 membres thoraciques ont également été observés avec ou sans soustraction d’appui (lien pour visualiser la vidéo 2). Un bilan hémato-biochimique s’est avéré normal hormis une élévation discrète des créatine kinase (CK). Une évaluation orthopédique 4 mois plus tôt, complétée d’un examen scanner du rachis et des membres dans une autre clinique n’ont pas mis en évidence de cause convaincante aux troubles locomoteurs.

A l’examen neurologique à distance, Hermione montre une soustraction d’appui partielle à 2 reprises sur le membre pelvien droit (sur 1 foulée à chaque fois), la démarche étant normale le reste du temps. L’examen neurologique rapproché montre des réactions posturales normales, des réflexes médullaires normaux, l’absence d’hyperesthésie rachidienne et une évaluation normale des nerfs crâniens. L’examen clinique général et orthopédique ne montrent pas d’anomalie pouvant expliquer les signes.

L’origine neurologique des signes reste incertaine à ce stade mais une maladie neuromusculaire (polyneuropathie, jonctionnopathie ou myasthénie) est considérée possible vu l’historique locomoteur sans anomalie orthopédique clinique ou en tomodensitométrie. Les hypothèses sont inflammatoires/immunitaires (polyneuropathie ou myosite infectieuse ou immunitaire, myasthenia gravis), métaboliques, paranéoplasiques (improbable vu l’âge et durée d’évolution) et dégénératives (polyneuropathie ou myopathie héréditaire).

Des examens sanguins sont réalisés pour vérifier les causes métaboliques non encore explorées (ionogramme, calcium) et s’avèrent normaux de même qu’un contrôle des CK en ce qui est plutôt en défaveur d’une myopathie. Une sérologie IgG/IgM Neospora et un test rapide Leishmania sont réalisés et sont négatifs. Un examen électrodiagnostique (electromyogramme – EMG – puis conduction nerveuse motrice) est ensuite réalisé sous anesthésie. Il met en évidence une activité spontanée marquée dans les muscles appendiculaires distaux au tarses et aux coudes de type fibrillation (Image 1). L’identification de cette anomalie est fondamentale dans le cas présent car elle confirme bien l’origine neurologique périphérique (neuromusculaire) des signes. La suite de l’examen (conduction motrice) montre plusieurs signes typiques de polyneuropathie (nette baisse d’amplitudes et des vitesses de conduction, dispersion temporelle, latence augmentée, polyphasie) signant une atteinte neuronale appendiculaire mixte, axonale et démyélinisante (Image 2).

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Image 1 (gauche). EMG montrant une activité spontanée de type fibrillation sur un muscle interosseux. Le tracé normal attendu devrait être « plat ». Image 2 (droite). Conduction motrice sciatique (nerf tibial). Noter la perte d’amplitude lors de stimulation plus proximale (A2 et A3), la dispersion temporelle (A3). Les vitesses de conduction sont nettement diminuées (calculée à 28 m/s distalement, la normale étant > 50 m/s).

Des biopsies du nerf fibulaire et du muscle biceps femoris gauches sont réalisées sous anesthésie générale (Images 3, 4 et 5) puis envoyées au Comparative Neuromuscular Laboratory pour analyse histologique (Dr Shelton, USA).

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Images 3, 4 et 5. Vues opératoires d’une biopsie de nerf fibulaire gauche (image 3 : nerf in situ après dissection, image 4 : nerf rétracté avant biopsie, image 5 : biopsie de nerf extraite)

L’analyse histologique  montre une perte axonale des fibres de large diamètre et leur remplacement par des fibres nerveuses en régénération, myélinisées de faible diamètre (Image 6). Elle identifie également des remaniements musculaires secondaires à la dénervation (groupage par type de fibres) (Image 7).

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Image 6. Coupe histologique nerf fibulaire gauche

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Image 7. Coupe histologique muscle biceps femoris gauche.

Le diagnostic final est une polyneuropathie de type héréditaire/dégénérative sans qu’une telle forme soit décrite dans cette race. Ce type d’affection est sans traitement connu de même que le pronostic même si nombre de polyneuropathies héréditaires sont des maladies chroniques très lentement évolutives (évoluant déjà depuis plus de 2 ans chez Hermione avec des signes cliniques discrets). Hermione ayant été adoptée, une étude de pedigree pour identifier une éventuelle mutation n’est pas envisageable.

Discussion

Ce cas illustre parfaitement comment certaines affections nerveuses périphériques peuvent induire une parésie mimant une boiterie d’origine orthopédique. L’absence de déficit nerveux n’exclut pas une affection neurologique et seul un EMG peut dans un tel cas permettre de distinguer l’origine nerveuse des signes.  Sauf à de rares exceptions, l’étude électrodiagnostique reste un examen de localisation permettant seulement de confirmer une maladie neuromusculaire et d’en déterminer l’origine nerveuse périphérique comme ici (mono- ou polyneuropathie), musculaire (myopathie) ou jonctionnelle (myasthenia gravis).

Le recours à une biopsie est souvent de règle si les causes infectieuses, métaboliques et paranéoplasiques ont été écartées. Cet acte, bien que technique pour la biopsie nerveuse, reste relativement anodin et sans risque de complication notable. Le prélèvement doit en revanche être envoyé rapidement selon un protocole standardisé (une partie des biopsies étant fixée dans le formol, l’autre partie préservée dans du sérum physiologique) à un laboratoire expert dans le domaine. L’identification d’autres chiens affectés dans une même race permet dans certains cas d’identifier la mutation génétique en cause et même de de développer un test comme par exemple pour les polyneuropathies héréditaires du leonberg pour lesquels plusieurs tests sont disponibles.

Par le Dr cécile DOR, DipECVIM, spécialiste en médecine interne.

Un cas de Maladie de Cushing suivie d’un panhypoadrénocorticisme iatroègne

Anamnèse

Jaya, chienne Bull Terrier femelle entière de 7 ans est référée au CVS Azurvet pour polyuro-polydipsie (prise de boisson estimée à 150mL/kg/j), polyphagie, distension abdominale, et alopécie diffuse tronculaire évoluant depuis 3 mois. Une boiterie avec appui du membre pelvien gauche est également rapportée depuis 2 semaines.

Examen clinique

A l’examen clinique, la chienne présente une discrète amyotrophie généralisée malgré un état d’embonpoint modéré (NEC = 6/9).

L’examen à distance permet de documenter des lésions cutanées multifocales sévères avec notamment des zones alopéciques diffuse multifocales en région axillaire bilatéralement, caudalement aux pavillons auriculaires, sur la face palmaire des avants bras et face plantaire des métatarses. Des plaques cutanées alopéciques épaissiee, en relief, indurées et croûteuses sont également notées en région cervicale et tronculaire dorsales. La peau présente un « aspect cartonné » sur la ligne du dos. Une télangiectasie et des comédons sont également notés sur l'abdomen.

Les muqueuses gingivales sont roses et humides, le patient ne présente pas de signe de déshydratation clinique, sa température rectale est dans les valeurs usuelles. L’auscultation cardiopulmonaire ne révèle pas d’anomalie majeure. L’abdomen est distendu, une hépatomégalie est objectivée à la palpation abdominale.

Un gonflement des tissus mous avec douleur à la palpation est identifié en regard de la face plantaire et médiale des métatarses gauches.

Investigations diagnostiques

Afin d’explorer la cause de la PUPD, polyphagie, distension abdominale et alopécie, un bilan sanguin, urinaire et endocrinologique est réalisé. Le bilan hématobiochimique montre une augmentation marquée de l’enzymologie hépatique en faveur d’une hépatopathie choléstatique (PAL = 1380U/L, ALAT = 429U/L), une hypercholestérolémie, ainsi qu’une discrète leucocytose neutrophilique. L’analyse d’urine révèle des urines hyposthénuriques (DU 1.006), ainsi qu’une protéinurie marquée d’origine rénale (RPCU = 1.97) sans signe d’infection du tractus urinaire. Le test de stimulation à l’ACTH est en faveur d’un hyperadrénocorticisme (cortisol à T0 = 293nmol/L, cortisol à T0+1h > 827nmol/L). La mesure de pression artérielle montre une hypertension artérielle systémique modérée (PAS = 170mmHg).

Afin de déterminer la forme d’hyperadrénocorticisme (hypophysaire ou surrénalienne), un examen tomodensitométrique de l'encéphale et de l’abdomen sont réalisés. Ces examens révèlent un macroadénome hypophysaire ainsi qu’une hypertrophie bilatérale des glandes surrénales (images 1a et 1b). Un dosage de l’ACTH endogène élevé vient confirmer le caractère sécrétant de cette masse pituitaire à l’origine de la maladie de Cushing du patient.

Ultérieurement, des radiographies du thorax et du membre pelvien gauche, réalisés dans le cadre de l’exploration d’une polypnée et de la boiterie mentionnée à l’admission, montrent de très nombreuses minéralisations dystrophiques cutanées (calcinosis cutis), bronchiques, muscuclaires et tendineuses, secondaires à l’hyperadrénocorticisme (images 2a, 2b et 2c).

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Images 1a & 1b : Image 1a (gauche) = Coupe transverse tomodensitométrique de l’encéphale, post-injection d’iohexol, montrant une masse pituitaire de 7,5mm d’épaisseur. Image 1b (droite) = Coupe transverse tomodensitométrique de l’abdomen montrant une augmentation de taille des surrénales bilatéralement.

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Images 2a, 2b & 2c : Vues radiographiques de profil du membre thoracique gauche (gauche) et du membre pelvien droits (milieu), et vue radiographique du profil thoracique gauche (droite) montrant une calcinosis cutis généralisée et marquée associée à des minéralisations dystrophiques musculaires et tendineuses/ligamentaires ainsi que bronchiques.

Traitement

Un traitement au trilostane est mis en place, à raison de 1mg/kg per os matin et soir, afin de réduire la production de cortisol endogène, et donc de réduire des symptômes associés. Un traitement anti-protéinurique, anti-hypertenseur est également initié à base de bénazepril 0.5mg/kg per os matin et soir.

La propriétaire rapporte une nette amélioration clinique initiale avec résolution de la PUPD et de la polyphagie dans les 10 jours ayant suivi l’initiation du traitement, puis une anorexie, des vomissements et de la diarrhée, 2 semaines après le début du traitement. Un bilan sanguin montre une cortisolémie basale basse (<27nmol/L) ainsi qu’un ionogramme dans les valeurs usuelles, en faveur d’un hypocorticisme iatrogène. Le traitement au trilostane est arrêté pendant 10 jours puis repris à 0,6mg/kg matin et soir. La propriétaire rapporte une récidive des symptômes 1 semaine après la reprise du traitement avec cette fois un abattement très marqué. La cortisolémie basale est de nouveau basse (<27nmol/L), avec cette fois apparition de troubles électrolytiques en faveur d’un panhypoadrénocorticisme iatrogène (déficit en cortisol et aldostérone) avec hyperkaliémie (K+ = 6,6mmol/L), hyponatrémie (Na+ = 124mmol/L), et rapport Na/K bas (Na/K = 18,5).

Chez ce chien, l’hyperadrénocorticisme a progressé vers un hypoadrénocorticisme secondairement à l’administration de trilostane. Ce traitement est donc arrêté. À la suite de quelques jours d’hospitalisation sous fluidothérapie ayant permis de normaliser les troubles électrolytiques, de la prednisolone est prescrite à dose physiologique (0.1mg/kg/j), afin de traiter le déficit en glucocorticoïdes. Une injection de pivalate de désoxycorticostérone (Zycortal) est réalisée (1,5mg/kg SC) afin de traiter le déficit suspecté en minéralocorticoïdes. Une échographie abdominale de contrôle montre une nette diminution de taille des glandes surrénales en faveur d’une atrophie/nécrose surrénalienne. Deux mois après cet épisode, les ionogrammes de contrôles réguliers n’ont pas montré de récidive des anomalies électrolytiques, ne justifiant pas d’injections répétées de Zycortal.

Discussion

Les cas d’hypoadrénocorticisme iatrogène secondaires au trilostane chez les chiens atteins d’hyperadrénocorticisme hypophysaire ne sont pas rares. Une étude rétrospective menée chez 156 chiens atteints d’hyperadrénocorticisme traités au trilostane rapporte qu’environ 15% d’entre eux ont développé un hypoadrénocorticisme au cours des deux premières années de traitement et environ 25% au cours des quatre premières années de traitement (Kinga & Morton 2017). L’hypoadrénocorticisme iatrogène est transitoire dans la plupart des cas (75% des cas). Néanmoins, il peut parfois devenir permanent (25% des cas). La dose de trilostane administrée n’a qu’une faible influence sur le risque de développement de cette complication (Kinga & Morton 2017).

De manière générale, la taille des glandes surrénales augmente au cours du traitement au trilostane chez les chiens atteints d’hyperadrénocorticisme hypophysaire (Mantis et al. 2003). En effet, si le trilostane inhibe la cascade enzymatique responsable de la synthèse de cortisol par le cortex surrénalien, il ne diminue en aucun cas la quantité d’ACTH endogène produite par l’hypophyse. Chez les chiens atteints d’hypoadrénocorticisme iatrogène, la taille des glandes surrénales n’a jamais été étudiée de manière systématique. Comme documenté chez Jaya, une diminution de taille des glandes surrénales associée à un parenchyme surrénalien hyperéchogène a été rapportée chez un cas (Ramsey et al. 2008).

Kinga JB, Morton JM. Incidence and risk factors for hypoadrenocorticism in dogs treated with trilostane. The Veterinary Journal. 2017. 230;24–29.

Mantis P, Lamb CR, Witt AL et al. Changes in ultrasonographic appearance of adrenal glands in dogs with pituitary-dependent hyperadrenocorticism treated with trilostane. Veterinary Radiology & Ultrasound. 2003. 44(6); 682-685.

Ramsey IK, Richardson J, Lenard Z, et al.  Persistent isolated hypocortisolism following brief
treatment with trilostane. Aust Vet J. 2008. 86;491–495.

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