Lutte contre la leishmaniose et le concept OneHealth

Partager ce poste

Par Benoit Rannou, DipECVCP & ACVP, spécialiste en biologie médicale

Lutte contre la leishmaniose et le concept OneHealth

La leishmaniose viscérale (LV), causée par Leishmania donovani en Asie et en Afrique et par L. infantum dans le bassin méditerranéen, le Moyen-Orient, l’Asie centrale, l’Amérique du Sud et centrale, est une maladie potentiellement mortelle. 
Plus de 90 % des cas humains de LV surviennent en Inde, au Soudan, au Bangladesh et au Brésil. Chaque année, elle affecte environ 200 000 à 400 000 personnes et cause environ 20 000 à 40 000 décès. 


Plusieurs espèces de mammifères vertébrés peuvent être naturellement infectées par Leishmania. Les canidés sont les principaux réservoirs pour les espèces viscérotropes en Méditerranée, en Asie, en Afrique du Nord et en Amérique du Sud. En considérant la présence ou l’absence de réservoirs animaux pour Leishmania, deux types de cycles épidémiologiques sont notés : zoonotique (LVZ) ou anthroponotique (LVA). La LVA en Inde et en Afrique Centrale est causée par L. donovani et implique un parasitisme sévère du sang et de la peau et un vecteur anthropophile, faisant de l’homme le réservoir de la maladie. En revanche, la LVZ avec des chiens comme hôtes réservoirs est généralement associé à L. infantum et se trouve dans les Amériques, au Moyen-Orient, en Asie centrale, en Chine et en Méditerranée.


Afin de lutter efficacement contre cette maladie, l’approche « One Health », qui relie les disciplines distinctes de la médecine humaine, de la médecine vétérinaire, de la science environnementale et de la conservation de la faune, est indispensable.

Lutte et Surveillance globale de la leishmaniose viscérale anthroponotique (LVA)


Concernant la LVA, les patients non traités sont les seules sources d’infection et les foyers de LVA sont à l’origine des épidémies les plus graves et les plus mortelles. Dans les années 1960, lors du programme d’éradication du paludisme et en raison de l’adoption de mesures de lutte intensive contre les vecteurs, la LVA a presque été éliminée dans cette région, illustrant la vulnérabilité du cycle de transmission.


La stratégie de contrôle/élimination de la LVA repose sur l’identification intensive des cas, une gestion efficace et des mesures de contrôle des vecteurs pour réduire non seulement la morbidité et la mortalité, mais aussi la transmission de la maladie. L’utilisation de tests simples, fiables et peu coûteux pour le diagnostic sérologique sur le terrain, de nouveaux médicaments administrés par voie orale et de moustiquaires imprégnées d’insecticide à longue durée d’action est préconisée pour permettre de diminuer considérablement le nombre de cas, de réduire la transmission et de prévenir les épidémies. Ainsi en 1991-1992, un effort accru du gouvernement indien, combinant une disponibilité généralisée et un accès facile aux médicaments (antimoniaux), ainsi que la pulvérisation des maisons avec du DDT, a conduit à une réduction de 67,7% de la morbidité et de 73,3 % de la mortalité d’ici 1995.


L’Afrique est également l’une des principales zones de LVA et a bénéficié de méthodes modernes de surveillance des maladies. Le Armed Forces Health Surveillance Center, Division of Global Emerging Infections Surveillance and Response System Operations, USA (AFHSC-GEIS) a initié un programme de surveillance prédictive qui génère des avis et des alertes sur les épidémies de maladies infectieuses émergentes. Les activités de ce groupe combinent :

(1) la télédétection par satellite et la modélisation de niche écologique pour les événements écologiques et climatiques qui influencent le potentiel des épidémies ;

(2) la surveillance des vecteurs arthropodes et la cartographie géospatiale pour caractériser la présence, l’abondance et la capacité de transmission des maladies par les vecteurs ; et

(3) la surveillance des hôtes animaux pour détecter les événements d’exposition aux vecteurs et aux pathogènes et la transmission des pathogènes de l’animal à l’animal ou de l’animal à l’humain.

Ce modèle a notamment prédit avec succès des épidémies de fièvre de la vallée du Rift. Alors que les activités de surveillance des vecteurs du programme se concentraient historiquement sur les moustiques (fièvre de la vallée du Rift et paludisme), en 2009, elles se sont étendues pour inclure les vecteurs de phlébotomes de la leishmaniose. Une surveillance à grande échelle de plus de 200 sites au Kenya a capturé 3 500 phlébotomes qui ont été testés en PCR pour l’infection par Leishmania spp. À ce jour, deux découvertes majeures ayant des implications épidémiologiques et de surveillance prédictive au Kenya. Premièrement, des phlébotomes infectés par Leishmania major ont été détectés dans deux régions auparavant non connues pour la transmission de Leishmania. Phlebotomus orientalis, un vecteur connu de la leishmaniose au Soudan, mais rare au Kenya, a par ailleurs été détecté en grand nombre dans deux régions. 


Leishmaniose viscérale zoonotique (LVZ)


La LVZ, causée par L. infantum, est transmise par les phlébotomes à partir d’un réservoir canin. Elle touche principalement les enfants et les jeunes adultes en Amérique et en Europe, où elle est aussi associée aux patients atteints du VIH/SIDA ou sous immunosuppression. Des études épidémiologiques montrent une prévalence accrue de l’infection à L. infantum avec l’âge des chiens.

Dans certains pays, les chiens ont été régulièrement abattus dans le cadre des politiques gouvernementales pour contrôler la leishmaniose viscérale humaine. Cependant, lors du 13e Symposium du Forum Mondial des Maladies Vectorielles des Animaux de Compagnie à Windsor, UK, en mars 2018, un consensus a été atteint sur l’inutilité de l’abattage des chiens infectés, qu’ils soient en bonne santé ou malades, comme mesure de contrôle du réservoir domestique de L. infantum et de réduction du risque de LV humaine. Il a ainsi été souligné l’absence de preuves scientifiques fiables soutenant l’efficacité de l’abattage des chiens pour réduire l’incidence de la leishmaniose ainsi que l’existence d’hôtes réservoirs alternatifs pouvant maintenir le cycle de vie de L. infantum et le remplacement rapide des chiens abattus par de jeunes chiens plus susceptibles à l’infection. 


Cette pratique doit être remplacée par des approches plus efficaces, comme l’utilisation d’insecticides répulsifs pour prévenir les morsures de phlébotomes, la vaccination des chiens, la chimiothérapie et l’immunothérapie. Ces méthodes peuvent réduire l’infectiosité des chiens traités, entraînant une diminution du nombre de phlébotomes infectés et, par conséquent, une réduction du risque d’infection humaine.

Palatnik-de-Sousa CB, Day MJ. One Health: The global challenge of epidemic and endemic leishmaniasis. Parasit Vectors. déc 2011;4(1):197. 
Dantas-Torres F, Miró G, Baneth G, Bourdeau P, Breitschwerdt E, Capelli G, et al. Canine Leishmaniasis Control in the Context of One Health. Emerg Infect Dis. déc 2019;25(12):1–4. 

Photo 1 : Noeud lymphatique de chien contenant des leishmanies.. MGG x100