Iinstabilité lombosacrée chez un chien traitée par neurochirurgie

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Par Jérôme COUTURIER

DipVN, spécialiste en neurologie.

Jamie, berger allemand femelle de 7 ans est référée en consultation de neurologie pour dyschésie (difficultés à la défécation) depuis 6 semaines associée à une dysurie (difficultés à la miction) depuis 2 semaines. Aucun trouble locomoteur n’est rapporté. La mise en évidence d’une douleur franche à l’examen lombo-sacré oriente le vétérinaire référant vers une affection de la queue de cheval. Des clichés radiographiques mettent en évidence une vertèbre de transition lombaire et une subluxation lombo-sacrée avec spondylose ventrale. Un traitement AINS/Xatral/Dantrium est prescrit avant référé.

A l’examen en extérieur, des mises en position infructueuses pour déféquer et uriner sont constatées sans émission de selles ou urines. A l’examen neurologique, Jamie montre une position anormalement basse de l’arrière train, un retard proprioceptif des 2 membres pelviens, des réflexes sciatiques/fémoraux normaux mais un réflexe périnéal diminué. Une douleur modérée est évidente à la palpation de la région lombo-sacrée. L’examen des nerfs crâniens est normal. La localisation neuroanatomique est L6-S3 (syndrome de la queue-de-cheval). L’examen clinique montre une vessie dilatée plutôt flasque mais non vidangeable par taxis (compatible avec une vessie de type motoneurone périphérique ou vessie MNP).

Les hypothèses sont dégénératives (hernie discale/ sténose lombo-sacrée dégénérative), inflammatoires (discospondylite, névrite) ou tumorale en priorité, les radiographies orientant notamment pour la première hypothèse.

Un examen cytobactériologique urinaire est réalisé sur place (Azurvet-Lab) et s’avérera positif ultérieurement pour un Staphylococcus xylosus. Un scanner du rachis lombo-sacré est effectué sous anesthésie (images 1 à 3) et confirme les clichés radiographiques : 8 vertèbres lombaires sont identifiées, L8 étant transitionnelle (sacralisée). Une subluxation marquée L7-L8 est identifiée (subluxation ventrale de L8) résultant en une sténose lombosacrée canalaire marquée avec compression de la queue-de-cheval et sténose foraminale bilatérale. Des images IRM complémentaires sont réalisées (image 4) pour mieux distinguer la protrusion discale et le degré de compression des racines nerveuses.

Image 1 : coupe tomodensitométrique (scanner) sagittale en fenêtre osseuse. Noter la subluxation ventrale de L8 par rapport à L7 (décalage entre les 2 lignes bleues).

Image 2 : coupe tomodensitométrique (scanner) transversale en L7-L8 en fenêtre osseuse. Noter l’élargissement de l’interligne entre les processus articulaires (têtes de flèche).

Image 3 : coupe tomodensitométrique (scanner) sagittale en fenêtre tissus mous. Noter la protrusion discale obstruant le canal vertébral (têtes de flèche).

Image 4 : vue sagittale en IRM en pondération T2. En comparaison du scanner, noter la meilleure identification de la protrusion discale (têtes de flèche) et l’absence complète de  graisse péridurale, normalement hyperintense (flèche), confirmant une compression marquée de la queue de cheval.

Image 1 (gauche). EMG montrant une activité spontanée de type fibrillation sur un muscle interosseux. Le tracé normal attendu devrait être « plat ». Image 2 (droite). Conduction motrice sciatique (nerf tibial). Noter la perte d’amplitude lors de stimulation plus proximale (A2 et A3), la dispersion temporelle (A3). Les vitesses de conduction sont nettement diminuées (calculée à 28 m/s distalement, la normale étant > 50 m/s).

Des biopsies du nerf fibulaire et du muscle biceps femoris gauches sont réalisées sous anesthésie générale (Images 3, 4 et 5) puis envoyées au Comparative Neuromuscular Laboratory pour analyse histologique (Dr Shelton, USA).

Image 5 : vue per-opératoire après mise en place des implants (mais avant mise en place du ciment). Noter la queue de cheval visible dans la fenêtre de laminectomie (tête de flèche).s

Image 7. Coupe histologique muscle biceps femoris gauche.

Un scanner de contrôle confirme la bonne réduction/décompression et la bonne position des implants (images 6 à 8).

Image 6 : coupe tomodensitométrique (scanner) post-opératoire sagittale en fenêtre osseuse confirmant la bonne réduction (lignes bleues) et décompression.

Image 7 : coupe tomodensitométrique (scanner) post-opératoire dorsale en fenêtre osseuse montrant la position des implants (vis = points blancs).

Image 8 : coupe tomodensitométrique (scanner) post-opératoire transversale en L7 montrant le trajet des 4 vis dont la tête est prise par du ciment PMMA.

Après l’hospitalisation post-opératoire normale, Jamie est rendue à son propriétaire avec une sonde de Foley et un traitement visant à faciliter les mictions (Xatral) et les défécations (Psyllium, Duphalac) en plus du traitement anti-inflammatoire/antalgique (AINS, tramadol, gabapentine). La sonde de Foley est retirée 10 jours plus tard et des mictions partielles sont alors observées s’améliorant progressivement sur 1 mois. Des radiographies de contrôle sont réalisées à 2 semaines et 6 semaines post-opératoire et confirment une stabilité du montage et l’absence de complication. Un suivi de l’ECBU au retrait de la sonde indique une antibiothérapie et un ECBU de contrôle s’avère ensuite négatif. Jamie vit avec des mictions normales malgré un jet d’urines plutôt fin et redevient capable de déféquer ce qui lui permet de retrouver une bonne qualité de vie. Seul le traitement Psyllium/Duphalac est conservé à des fins préventives de constipation.

Discussion

La sténose lombo-sacrée dégénérative (SLD) cause classiquement douleurs, troubles locomoteurs et plus rarement incontinence urinaire et/ou fécale comme chez Jamie. L’incontinence a été clairement identifiée dans le passé comme un facteur pronostique négatif notamment l’incontinence urinaire chronique (> 1 mois) (De Risio JAVMA 2001). Si le scanner permet une évaluation anatomique détaillée, rapide et éventuellement en contrainte (« dynamique »), l’IRM peut montrer un bénéfice pour l’évaluation des racines nerveuses L7 et notamment identifier si une sténose foraminale est présente (Lichtenhan Vet Surg 2020).

La technique chirurgicale utilisée chez Jamie (laminectomie dorsale, arthrodèse vis/ciment) a été récemment évaluée (Tanoue, JAVMA 2022). Une amélioration ou guérison a été constatée sur les 21 cas opérés. Des complications mineures (rupture d’implant, sérome, œdème, retard de cicatrisation) ont été observés dans 28,6% des cas. Cette technique constitue une alternative accessible et moins onéreuse à la fixation par vis pédiculaires récemment décrite (Tellegen, BMC Vet res 2015). Lors de sténose foraminale, une foraminotomie peut être indiquée, la technique utilisée à Azurvet étant celle décrite par Gödde (Vet Surg 2007) et acquise lors d’un cours, théorique et pratique, dédié au traitement chirurgical de la SLD (Integrated approach to the lumbosacral spine, Madrid 2014).

Bibliographie

De Risio L, Sharp NJ, Olby NJ et coll. Predictors of outcome after dorsal decompressive laminectomy for degenerative lumbosacral stenosis in dogs: 69 cases (1987-1997). J Am Vet Med Assoc 2001 ; 219 : 624-628.

Lichtenhahn V, Richter H, Gödde T et coll. Evaluation of L7-S1 nerve root pathology with low-field MRI in dogs with lumbosacral foraminal stenosis. Vet Surg 2020 ; 49 : 947-957.

Tanoue H, Shimada M, Ichinohe T et coll. Postoperative outcomes of combined surgery comprising dorsal laminectomy, transarticular screws, pedicle screws and polymethylmethacrylate for dorsal fixation in 21 dogs with degenerative lumbosacral stenosis. J Am Vet Med Assoc 2022 ; 260 : 1813-1819.

Tellegen AR, Willems N, Tryfonidou MA et coll. Pedicle screw-rod fixation: a feasible treatment for dogs with severe degenerative lumbosacral stenosis. BMC Vet Res 2015 ; 11 : 299.