Par le Dr Nicolas Girard, DipECVD, spécialiste en dentisterie.
Un chien de 5 ans est présenté pour une lésion sévère de la gencive en regard de la carnassière avec halitose et gène à la préhension orale modérée. Des soins locaux par détartrage associés à une antibiothérapie de longue durée n’ont pas permis une rémission de la lésion. L’examen clinique général est proche de la norme, associé à une adénopathie loco régionale modérée. L’examen oral sur animal vigile permet de confirmer la présence d’une fente gingivale sévère (Photo ci dessous) en regard de la carnassière mandibulaire droite (409).
Un examen radiologique alvéolaire est mis en œuvre sous anesthésie générale (Radio 1 : ci-dessus à gauche). On observe différentes lésions qui permettent d’établir le scénario pathogénique :
-Une largeur (radiotansparence) de la chambre pulpaire et des deux canaux radiculaires plus importante que celle des racines adjacentes : cela souligne un arrêt de la dentinogénèse synonyme d’une perte de la vitalité pulpaire (nécrose pulpaire).
-Trois formes radiodenses au niveau de la chambre pulpaire mésiale : chacune représente une forme dentaire aberrante, inclue dans la pulpe dentaire. Cette malformation est connue sous sa terminologie latine ‘dens in dente’.
-Un déficit de structure de la paroi externe de la racine mésiale : lésion de résorption externe inflammatoire. La lésion est ici bien délimitée et semble prendre naissance au sein du canal dentaire.
-Deux images radiotransparentes bien circonscrites à l’apex des deux racines : lésions d’ostéolyse alvéolaire apicale en relation avec la nécrose pulpaire et le développement d’un granulome infectieux à l’apex des foramens apicaux.
-Une image de radiotransparence qui s’étend le long de la racine mésiale en relation avec la marge alvéolaire : ostéolyse alvéolaire endo parodontale conséquence de l’infection pulpaire engageant ici un processus inflammatoire le long du ligament parodontal, en direction de la gencive.
La malformation dentaire ‘dens in dente’ résulte d’une invagination de l’épithélium à l’origine de l’émail (sac ou follicule dentaire). Une continuité microscopique entre la forme dentaire aberrante et le parodonte aggrave parfois la lésion avec pour conséquence dans le temps une contamination bactérienne de la pulpe par voie exogène. La nécrose pulpaire est donc la conséquence ici de la malformation dentaire elle-même. Elle conduit à une parodontite périapicale qui s’étend ici sous une forme endo parodontale, aggravée par le processus de résorption radiculaire inflammatoire interne.
Ce type de malformation dentaire est souvent observé sur un mode symétrique. Une radiographie alvéolaire de la carnassière controlatérale est réalisée (309) (Radio 2, ci dessus à droite). On observe une lésion similaire mais à un stade de développement moins avancé et non aggravée par une résorption radiculaire inflammatoire interne.
Le traitement conservateur de la dent 409 n’est pas recommandé au regard du statut inflammatoire avancé des lésions. Une procédure d’extraction chirurgicale est réalisée : syndesmotomie, séparation radiculaire, luxation des deux racines, curetage alvéolaire, alvéoplastie, recouvrement des alvéoles par un lambeau muqueux gingival périosté, sutures points simples.
Le traitement conservateur de la dent 309 est par contre recommandé. Un traitement canalaire est mis en œuvre : ouverture des chambres pulpaires mésiale et distale, pulpectomie et débridement des parois canalaires, mise en forme des canaux et irrigation (NaCl 2,5%), activation ultrasonique de l’irrigant et obturation par thermo compaction ultrasonique latérale de gutta percha, restauration des accès canalaire par ciment glass ionomère puis photo polymérisation de résine composite (Radio 3 ci dessous). Compte tenu de l’antériorité de l’infection ici supérieure à 6 mois, le pronostic du contrôle de l’inflammation apicale est dans ce cas de 70%.
L’examen histologique confirme l’hypothèse d’un méningiome et permet de classifier la lésion comme un méningiome atypique de grade II.
Un méningiome est une tumeur extra-axiale, qui de développe a partir des méninges. C’est une tumeur presque toujours bénigne, à croissance très lente. Sa localisation préférentielle dans la colonne vertébrale est la région cervicale crâniale, suivi par la région lombaire et rarement thoracique. Les signes cliniques peuvent être initialement très discrets et apparaissent souvent quand la lésion est déjà d’une taille importante, comme dans le cas de notre patient. La prise en charge préférentielle est la chirurgie, associée à une radiothérapie post-chirurgicale. Une chirurgie seule peut donner de bons résultats en terme de survie, avec des récidives rapportées entre 3 mois et 3 ans après chirurgie. La radiothérapie est conseillée en association avec la chirurgie, et peut prolonger la période sans récidive jusqu’à 6 ans (avec une moyenne de survie de 508 jours dans une étude).
Bibliographie
Lacassagne K, Hearon K, Berg J, et al. Canine spinal meningiomas and nerve sheath tumours in 34 dogs (2008-2016): Distribution and long-term outcome based upon histopathology and treatment modality. Vet Comp Oncol. 2018;16(3):344-351.
Petersen SA, Sturges BK, Dickinson PJ, et al. Canine intraspinal meningiomas: imaging features, histopathologic classification, and long-term outcome in 34 dogs. J Vet Intern Med. 2008;22(4):946-953.