Question du mois : quel bilan d'extension lors de tumeur orale ?

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Par Nicolas Girard, DipECVD, spécialiste en dentisterie


Oncologie orale : quel bilan d'extension lors de tumeur orale ?

Introduction :

Les tumeurs buccales représentent 6 % de l’ensemble des tumeurs chez le chien et 3 % de l’ensemble des tumeurs chez le chat. Chez le chien elles forment le quatrième site par ordre de fréquence et démontrent une prédilection 2.4 fois supérieure chez les mâles. Il n’existe pas de prédilection sexuelle chez le chat. Les deux informations qui sont essentielles au choix du plan de traitement sont le diagnostic histologique et le bilan d’extension.

La cytologie d’une masse orale est utile en clinique et offre une très bonne sensibilité pour une demande de différenciation entre un statut lésionnel inflammatoire ou tumoral. Pour autant la réalisation d’une biopsie incision est indispensable. L’étude de l’architecture histologique de la masse limite au maximum les difficultés rencontrées dans d’interprétation du comportement biologique de la masse. Les biopsies seront réalisées dans le même temps anesthésique que le bilan d’extension.


Examen clinique :

L’examen oral sous sédation est la première étape du bilan d’extension. La mesure des dimensions de la masse est réalisée ainsi que l’évaluation de ses relations avec les tissus environnants. La consistance ainsi que la surface d’adhésion avec les tissus osseux environnant sont notées. Ces informations sont utiles pour établir le choix des sites de biopsie. La différenciation d’une masse orale est difficile à réaliser de par son seul aspect. La présence de lésions inflammatoires et/ou nécrotiques concomitantes masque son étendue et son degré d’agressivité.

Les ganglions locaux régionaux bilatéraux sont évalués par palpation. Seuls les ganglions mandibulaires, parotidiens et buccaux (lorsque présent) sont accessibles cliniquement. Il existe chez le chien une relation lymphatique entre les territoires droit et gauche de la face et du cou. La mobilité et le déplacement dentaire en périphérie de la masse doivent être évalués. Ils sont l’expression d’une lyse ou d’une sclérose osseuse sous-jacente et témoignent du comportement biologique plus ou moins agressif de la masse.

Au final l’examen oral doit intégrer une planification de l’éventuel traitement chirurgical.  Celle-ci prend en compte l’analyse des contraintes anatomiques dans le cadre des hypothèses diagnostiques et donc des différents types de marges chirurgicales envisagées. En plus d’un compte rendu détaillé, des photographies précises de la masse et de son environnement seront utiles pour organiser le traitement et la communication avec le propriétaire.


Imagerie de la masse orale :

L’examen radiologique a pour objectif une bonne compréhension de l’extension 3D de la masse et de ses relations avec les segments osseux, orbitaire, nasal ou cutanés. Les informations acquises par la radiographie sont souvent subtiles et non spécifiques. Hormis dans le cadre d’un odontome cet examen sera limitant en comparaison des techniques d’imagerie en coupe.

L’examen Scanner ou CBCT est le complément indissociable au diagnostic final. L’objectif est d’optimiser la localisation des marges chirurgicales et par extension le pronostic thérapeutique.

La technologie Cône beam CT offre une meilleure définition que celle du scanner. Elle sera préférée à celui-ci dans le cadre des tumeurs d’origine dentaire ou des tumeurs malignes présentant peu ou pas d’effraction faciale concomitante. Le scanner a pour avantage une analyse des contrastes qui optimise l’information au niveau des tissus mous périphériques, ganglions loco régionaux et thorax. L’Irm n’est pas la technique d’imagerie recommandée en maxillo facial considérant la durée de l’examen, son coût et surtout ses limites quant à l’interprétation des segments dento maxillaires.


Ganglions loco régionaux :

La palpation des ganglions mandibulaires, parotidiens et buccaux permet d’identifier leur stade d’infiltration en comparant leur taille, leur mobilité et leur aspect plus ou moins induré. Les ganglions parotidiens et buccaux sont rarement identifiés cliniquement.

La taille des ganglions n’est pas un facteur prédictif de la présence de métastases. Une inflammation concomitante est très souvent à l’origine de l’élargissement du ganglion loco régional. En présence d’une masse orale 17% des ganglions élargis présentent une métastase. La mobilité et l’induration sont par contre des facteurs prédictifs important du fait de l’infiltration de la capsule du ganglion par le néoplasme.

La stratégie idéale d’analyse du système lymphatique fait toujours question en maxillo facial. Le retrait systématique d’un ou plusieurs ganglions négatifs peut être perçu comme contreproductif quant à leur capacité de filtration et de barrière à l’extension de cellules cancéreuses. La cytologie de tous les ganglions du cou a pour avantage une analyse générale du drainage mais présente le risque d’une sensibilité inférieure à l’histologie. L’analyse du ganglion sentinelle a pour avantage d’optimiser la sensibilité de l’analyse mais pour inconvénient le retrait d’un ganglion potentiellement négatif, le risque d’un échappement du drainage lymphatique et un temps de manipulation sous sédation important. A ce titre, le scanner et l’échographie sont deux techniques d’imagerie qui permettent d’évaluer l’hétérogénéité éventuelle des ganglions de drainage de la face et du cou.


Métastases à distance :

L’évaluation de la présence de métastases à distance doit être engagée en cas de suspicion de tumeur maligne. Les tumeurs malignes représentent 25 % des masses orales chez le chien et 32% des masses orales chez le chat.

Le bénéfice de l’examen de l’abdomen par l’échographie pourra être étudié après lecture du résultat de l’histologie, avec un examen sur animal vigil. L’évaluation du thorax est par contre bien supérieure par le scanner que par la radiographie avec seulement 9% des métastases diagnostiquées par le scanner qui sont validée par la radiographie. Le clinicien devra donc appréhender par le seul examen oral de la pertinence d’un tel examen complémentaire.


Bilan d’extension, TNM :

Le stade de la tumeur est historiquement divisé en catégories sous la forme de grades. La taille de la tumeur dans sa plus grande dimension, l’infiltration des nœuds lymphatiques loco régionaux et la présence éventuelle de métastase à distance sont les trois éléments du score TNM qui forme le grade. Cette classification est une division arbitraire plus que la description d’une progression régulière du cancer.

Le stade d’une tumeur orale est rarement corrélé au pronostic de son plan de traitement en pathologie orale. En effet dans la plupart des cas le pronostic est essentiellement dépendant de la qualité des marges chirurgicales que du type biologique de la tumeur. Le mélanome est le seul exemple pour lequel le pronostic vital est directement relié à la Taille de la tumeur et l’infiltration des ganglions.

On retiendra donc l’intérêt partiel de cette classification en pathologie orale.

             

La Taille est évaluée en fonction de limites <20mm ; 20-40mm ; > 40mm.

T1a ; tumeur < 20 mm sans infiltration osseuse / T1b ; tumeur < 20 mm avec infiltration osseuse.

T2a ; tumeur 20-40 mm sans infiltration osseuse / T2b ; tumeur 20-40 mm avec infiltration osseuse.

T3a ; tumeur >40 mm sans infiltration osseuse / T3b ; tumeur >40 mm avec infiltration osseuse.

Les nœuds lymphatiques N (mandibulaire, parotidien, facial)

N1a ; ganglion ipsilatéral hyperplasique mobile non infiltré /  N1a ; ganglion ipsilatéral hyperplasique mobile infiltré.

N2a ; ganglion controlatéral ou bilatéral hyperplasique mobile non infiltré /  N2a ; ganglion controlatéral ou bilatéral hyperplasique mobile infiltré.

N1a ; ganglion ipsilatéral hyperplasique mobile non infiltré / N1a ; ganglion ipsilatéral hyperplasique mobile infiltré.

N3 : ganglion adhérent.

Les métastases M sont précisées par échographie, radiographie ou scanner.

M0 ; pas d’évidence de métastase à distance.

M1 ; métastases à distance (incluant un ganglion).


Stade 1 : T1 ; N0 N1a N2a ; M0

Stade 2 :  T2 ; N0  N1a N2a ; M0

Stade 3 : T ; N1b ; M0 ou T3 ; NO N1a N2a ; M0

Stade 4 : T ; N ; M1


Conclusion :

Le bilan d’extension est une étape importante dans l’élaboration du plan de traitement d’une masse buccale. Sa mise en œuvre nécessite toujours une anesthésie générale afin de réaliser un examen visuel et un examen d’imagerie appropriés.

Le diagnostic histologique se doit d’être le plus précis possible afin d’éclairer le pronostic thérapeutique et faciliter par là même le choix décisionnel du propriétaire. Pour ce faire une grande attention doit être apportée à la qualité des biopsies afin de ne pas sous-estimer la sévérité du comportement biologique de la tumeur.

Le pronostic du plan de traitement est relié au couple qualité des marges chirurgicales et critères histologiques spécifiques.



Figue 1. Améloblastome maxillaire chez un chien avec lyse osseuse, imagerie en CBCT.