Question du mois : torsion de lobe pulmonaire en imagerie

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Comment reconnaître une torsion de lobe pulmonaire à l'imagerie ?

Par Rémi Bellon, Résident ECVDI 2ème année

DEFINITION :


La torsion de lobe pulmonaire est une affection rare mais grave, pouvant survenir spontanément ou à la suite de pathologies thoraciques préexistantes telles que le chylothorax, une pleurésie, une pneumonie, un œdème pulmonaire, un traumatisme ou une chirurgie thoracique. Elle se caractérise par la rotation d’un lobe pulmonaire autour de son axe longitudinal, entraînant une compression du pédicule bronchovasculaire au niveau du hile pulmonaire. Cela provoque une congestion veineuse, une consolidation du parenchyme pulmonaire, une nécrose tissulaire, une hémorragie alvéolaire, et souvent un épanchement pleural.

Le mécanisme exact reste mal compris, mais une augmentation de la mobilité lobaire, une modification de l’anatomie thoracique, ou encore une dysplasie cartilagineuse bronchique chez les races brachycéphales comme le Carlin sont suspectés. Les lobes les plus fréquemment affectés sont le lobe moyen droit chez les grands chiens à thorax profond (ex. : Lévrier afghan, Bullmastiff) et le lobe crânial gauche chez les petits chiens brachycéphales (ex. : Carlin). Cette affection reste rare chez le chat.


EXAMENS D’IMAGERIE :


Le diagnostic de la torsion de lobe pulmonaire repose essentiellement sur l’imagerie thoracique, qui permet de confirmer la torsion, d’identifier les complications associées (comme l’épanchement pleural ou la nécrose pulmonaire) et d’écarter d’autres pathologies pulmonaires ou médiastinales. Plusieurs modalités sont utilisées de manière complémentaire.


1. Radiographie thoracique


C’est l’examen de première intention en cas de suspicion de torsion. Elle peut révéler plusieurs anomalies caractéristiques :

  • Consolidation lobaire : opacité bien délimitée d’un lobe pulmonaire, souvent homogène.
  • Épanchement pleural : visible comme une perte de contraste des organes thoraciques (notamment du cœur) et une rétraction pulmonaire.
  • Motif vésiculaire : présence de petites bulles de gaz dans le lobe affecté (vésicules emphysémateuses).
  • Déviation des structures thoraciques : déplacement de la trachée, rotation axiale de la carène, déviation du médiastin.
  • Occlusion bronchique : visualisée par une terminaison brutale de la bronche dans le lobe atteint. Une torsion de la bronche concernée peut être visualisée.


2. Échographie thoracique


L’échographie thoracique est particulièrement utile en présence d’un épanchement pleural et reste un examen de deuxième intention.

  • Le lobe tordu apparaît :
    • Arrondi.
    • Hypoéchogène (plus sombre que le tissu sain) avec présence d'une bande hypoéchogène périphérique et d'un centre hyperéchogène avec des bulles d'air confluentes (vésicules emphysémateuses visibles à la radiographie).
    • Avascularisé au Doppler couleur, en raison de la compression vasculaire.
  • Elle permet aussi le guidage de ponction du liquide pleural pour analyse.


3. Tomodensitométrie (CT scan)


Le scanner thoracique est le gold standard pour le diagnostic.

  • Il permet une évaluation fine du parenchyme pulmonaire et des structures vasculaires.
  • Signes caractéristiques en CT :
    • Arrêt brutal de la bronche lobaire.
    • Visualisation de la torsion de la bronche (« Whirl sign »).
    • Absence de rehaussement du lobe après injection de contraste (signe de congestion/nécrose).
    • Emphysème vésiculaire (bulles de gaz dispersées dans le lobe).
    • En phase aigue, une possible augmentation de volume du lobe,  avec « air trapping »
    • Présence d’un épanchement pleural.
    • Distorsion des structures thoraciques : déplacement trachéal, rotation médiastinale.

Deux cas de torsion lobaire pulmonaires sont évoqués, tous deux secondaires à une maladie pré-existante avec épanchement pleural secondaire.


CAS CLINIQUE 1:


Ades, chien mâle entier âgé de 11,5 ans, croisé Pinscher/Jack Russell Terrier, nous est référé pour la prise en charge d’un épanchement pleural chronique évoluant depuis trois mois, accompagné de toux et de dyspnée. Un mésothéliome pleural a été diagnostiqué.

Des radiographies ainsi qu’une échographie abdominale sont réalisés.

Les clichés radiographiques montrent une réduction du volume du lobe pulmonaire caudal droit, accompagné d’une opacité alvéolaire hétérogène. Une portion centrale présente une opacité mixte avec de fines ponctuations aériques, évoquant un motif microvésiculaire. Le trajet de la bronche souche du lobe caudal droit apparaît irrégulier et difficilement identifiable. Un épanchement pleural modéré est observé du côté droit, ainsi qu’un aspect arrondi des lobes pulmonaires droits, avec quelques zones d’opacité interstitielle.

Figure 1. Radiographies 3 incidences chez Ades.

On note un épanchement pleural modéré, une opaification diffuse du lobe caudal D associée à un aspect "microvésiculaire" (nombreuses petites bulles d'air accolées les unes aux autres : flèches bleues)

Figure 2. Echographie du lobe caudal D.

On note un épanchement pleural modéré qui sert de fenêtre acoustique, associé à la présence d'une bande périphérique hypoéchogène (épaississement périphérique du lobe) et d'emphysème central (bulles d'air coalescentes.


Ses signes radiographiques et échographqiues sont typiques d'une torsion pulmonaire du lobe caudal D, torsion favorisée par l'aspect chronique de l'épanchement.


CAS CLINIQUE 2 :


Heina, chatte stérilisée âgée de 11 ans, est présentée pour dyspnée et anorexie. L’échocardiographie révèle une cardiomyopathie décompensée, classée stade C selon la classification ACVIM. L'examen de l'un des lobes est très douteux d'une torsion lobaire.


Le scanner montre que le lobe crânial gauche, incluant ses segments crânial et caudal, présente une taille normale à augmentée. Il montre un motif microvésiculaire diffus, évoquant la présence de multiples bulles aériques intraparenchymateuses. La bronche lobaire correspondante n’est pas visualisée. Un épanchement pleural modéré est également observé, présent de manière bilatérale.

Figure 3. CT scan du thorax de Heina. Noter la consolidation du lobe crânial G et l'aspect microvésiculaire. La bronche souche G est également tronquée contrairement aux bronches des lobes droits.


Pour en savoir plus : une étude publiée par le service d'imagerie d'AzurVet : 


Lung lobe torsion in 15 dogs: Peripheral band sign on ultrasound.

Belmudes A, Gory G, Cauvin E, Combes A, Gallois-Bride H, Couturier L, Rault DN.Vet Radiol Ultrasound. 2021 Jan;62(1):116-125. doi: 10.1111/vru.12918. Epub 2020 Oct 31.PMID: 33128837