Par Hervé BRISSOT, DipECVS, spécialiste en chirurgie
et Anouk ADALSBERG, assistante en chirurgie.
Les pathologies intra-articulaires de l’épaule sont une cause fréquente de boiterie du membre thoracique chez le chien. Déterminer la cause exacte de boiterie est souvent difficile et diverses techniques d’imagerie ont été décrites.
Les causes de boiterie de l’épaule sont nombreuses, les plus fréquentes sont l’ostéochondrose, la ténosynovite/rupture du tendon du biceps brachial, rupture du tendon sous-scapulaire, rupture du ligament gléno-huméral médial et latéral. L’arthroscopie est un moyen permettant de diagnostiquer et de traiter ces lésions.
Une chienne Landseer de 2 ans est présentée au service de chirurgie pour boiterie de l’antérieur gauche évoluant depuis 1 à 2 mois, améliorée de façon transitoire par la prise d’anti inflammatoires non stéroïdiens. Des radiographies des épaules sont réalisées chez le vétérinaire traitant et une suspicion d’ostéochondrite disséquante de l’épaule gauche est alors évoquée.
A l’examen clinique la chienne ne présente plus de boiterie de l’antérieur gauche et l’examen orthopédique est très peu significatif. Les lésions d’ostéochondrose/ostéochondrite disséquante de la tête humérale sont signalées comme étant bilatérales jusqu'à 85 % des cas. Par conséquent, l'examen des deux épaules est recommandé, que les symptômes soient unilatéraux ou bilatéraux (Wall et al., 2014). Cliniquement il est souvent difficile d’éliminer une douleur du coude durant l’examen de l’épaule, il est possible d’observer des lésions d’ostéochondrose sur ces 2 articulations.
Un scanner des deux épaules et des coudes est réalisé. L’examen met en évidence des lésions d’ostéochondrite disséquante de la tête humérale gauche avec migration de deux volumineux fragments minéralisés (8x9x3 mm et 4x8x7 mm) dans la gaine du tendon du muscle biceps brachial (images 1, 2 et 3). L’épaule droite et les 2 coudes apparaissent peu remarquables.
Image 1 : fragments minéralisés dans la gaine bicipitale
Image 2 : deux fragments osseux médialement à la tête humérale
Image 3 : déficit osseux focal de la surface sous-chondrale de la tête humérale en région proximo-caudale (forme un cratère de 5 mm de profondeur sur 12 mm de diamètre)
Compte tenu des résultats du scanner, une arthroscopie de l’épaule gauche est réalisée. Lors d’atteintes intra-articulaires telles que dans notre cas, l’arthroscopie permet d’établir un diagnostic final. Il est le plus souvent possible de traiter la lésion d’ostéochondrose par arthroscopie ce qui permet de réduire considérablement le traumatisme chirurgical.
L’arthroscopie met en évidence un large « cratère » en voie de cicatrisation en regard de la face médio-caudale de la tête humérale gauche. Il n’y a pas de fragments visibles dans la gaine du tendon du muscle biceps brachial mais on observe deux larges fragments mobiles d’une taille correspondant au défect cartilagineux précédemment observé en regard du cul de sac caudal de l’articulation. Ces fragments sont calcifiés et mobiles, et semblent correspondre aux éléments observés dans la gaine bicipitale durant le scanner. Cette modification de localisation des fragments est très probablement secondaire à la préparation chirurgicale de la chienne (antérieur gauche tiré en extension) (images 4, 5, 6 et 7).
Image 4 : vue arthroscopique de la face médio-caudale de la tête humérale. Large ulcération sur la tête humérale (a).
Image 5 : vue arthroscopique du cul de sac caudal. Large fragment (a). Capsule articulaire (b). Partie caudale de la tête humérale (c).
Image 6 : vue arthroscopique du compartiment médial de l’articulation de l’épaule. Surface glénoïdale (a). Fragment (b). Tête humérale (c). Ligament collatéral médial (d).
Image 7 : vue arthroscopique du tendon biceps brachial discrètement enflammé (a).
La prise en charge chirurgicale recommandée pour l’ostéochondrite disséquante, et qui fut réalisée sur notre chien, est le retrait des fragments osseux puis le curetage du « lit » du défect cartilagineux jusqu’à l’obtention d’un saignement capillaire, pour promouvoir la mise en place d’un fibrocartilage cicatriciel. Dans notre cas, compte tenu de la taille des deux éléments calcifiés, un mini abord est réalisé pour les retirer (images 8 et 9).
Image 8 : vue arthroscopique de la face médio-caudale de la tête humérale. Curetage du « lit » du défect cartilagineux (a). Tête humérale (b).
Image 9 : Saignement capillaire post curetage du « lit » du défect cartilagineux.
Le pronostic fonctionnel de l’épaule gauche apparait favorable. La chienne est rendue à ses propriétaires dans l’après-midi de l’intervention, avec comme traitement post opératoire des antalgiques (Paracétamol 10 mg/kg 2x/j pendant 5 jours), de la glace, et comme conseil un repos strict pendant 4 semaines puis une reprise d’activité progressive les deux semaines suivantes. Six semaines après l’intervention la chienne ne présente pas de boiterie, la mobilisation de l’épaule est non douloureuse. Une reprise d’activité progressive est conseillée.
L’arthroscopie a été décrite comme le « gold standard » pour l’évaluation des structures intra-articulaires de l’épaule canine. Son avantage étant de pouvoir faire une inspection directe des lésions d’ostéochondrose et du biceps et de les traiter par la suite. L’arthroscopie est plus sensible que le scanner pour les lésions cartilagineuses de petites tailles (au même titre que l’IRM). En raison de la nature peu invasive de la technique, les lésions bilatérales peuvent être traitées au cours de la même intervention chirurgicale (R. Eivers et al., 2018). Les lésions d’ostéochondrose non fragmentées sont curetées sous contrôle arthroscopique jusqu’au retrait complet du cartilage anormal. Les lésions en voie de fragmentation non calcifiées peuvent également être « rongées » sous arthroscopie. Les lésions de grandes tailles ou calcifiées sont le plus souvent retirées après un mini-abord chirurgical guidée par l’arthroscopie.
Le pronostic (rémission complète des signes cliniques) après une intervention chirurgicale d’une ostéochondrite disséquante de l'épaule chez le chien est considéré comme bon à excellent. Dans tous les cas, une arthrose légère peut être attendue (Morris & Anderson, 2013).