Tumeur de la vessie chez une chienne traitée par chimiothérapie palliative

Partager ce poste

Par Drs Axelle FREVILLE, Corentin TREICH, et Elsa EDERY, 

DipECVIM.

Une tumeur vésicale de 2 cm caudodorsale droite, sans adénopathie (en particulier iliaque) ni métastases pulmonaires (radiographies thoraciques), est diagnostiquée par échographie abdominale chez une chienne Chihuahua de 8 ans, référée pour exploration d'une hématurie, dysurie et strangurie évoluant depuis 2 mois.

Masse  pariétale s'étendant caudolatéralement à la paroi vésicale juste 3mm en amont du méat urétéral D. Cette masse est irrégulière et mesure 2,3cm/1,4cm/1,1cm.

Une biopsie réalisée sous cystoscopie permet des examens histologique et cytologique (calque et lecture extemporanés par le laboratoire AzurvetLab), mettant en évidence un carcinome urothélial.

Tumeur vésicale visualisée par cystoscopie avant biopsie pour histologie

Carcinome des cellules transitionnelles : population de cellules rondes à ovales arrangées en amas cohésifs ayant un rapport nucléocytoplasmique faible à modéré ainsi qu'une anisocytose et une anisocaryose modérées. Cytoplasme modérément à très abondant, basophile, granulaire et contenant parfois une grande vacuole contenant du matériel rosé et granulaire. Chromatine nucléaire granulaire à réticulée  avec deux à cinq petits nucléoles. Absence de mitose.

La tumeur de par sa localisation au trigone et à proximité du méat urétéral droit ne permet pas d’envisager une résection chirurgicale simple par cystectomie partielle, mais ne génère pas d’obstruction urétrale ni urétérale.

Une chimiothérapie associant du carboplatine et un anti inflammatoire (firocoxib) est initiée, toutes les 3 semaines ce qui permet de stabiliser la maladie pendant 6 mois, sans effet secondaire notable.

A 7 mois, une hématurie occasionnelle et des mictions plus fréquentes font suspecter une progression de la maladie, se manifestant par une invasion urétrale : un changement de protocole anticancéreux est initié pour de la mitoxantrone puis de la vinblastine.

Invasion urétrale progressive à 211 jours

L’animal est stabilisé cliniquement pendant 10 mois à partir du diagnostic initial par l’utilisation séquentielle de plusieurs molécules de chimiothérapie associées aux ains.

A 10 mois de traitement, une subobstruction urétrale survient.

Dilatation pyélique droite, urétérale distale, envahissement urétral, subobstruction urétrale proximale à J309

Un stent urétro-vésical de 6 mm de diamètre et 60 mm de long est mis en place pour rétablir la perméabilité des voies urinaires.

Discussion

L’animal décède après un an de prise en charge médicale de son carcinome urothélial suite à une subobstruction urétérale bilatérale, secondaire à un envahissement urétéral gauche, la cause n’est pas identifiée à droite (envahissement, sténose). Le stent urétral est en outre envahi par la croissance de la tumeur. Une infection urinaire vésicale +/- pyélonéphrite est également mise en évidence. La pose de stents urétéraux est envisagée mais n’est pas réalisable : l’animal est euthanasié.

Les carcinomes urothéliaux sont les tumeurs vésicales les plus fréquentes chez le chien (90% des cas), en particulier chez les chiennes stérilisées de plus de 10 ans, et dans certaines races (Scottish Terrier notamment) (6,7).

Le diagnostic fait appel à la recherche de mutation BRAF sur urines récoltées par miction, la cytologie par cathétérisme ou l’histologie de biopsies prélevées sous cystoscopie.  La cytoponction transabdominale échoguidée ou la biopsie par cystotomie exposent un risque d’essaimage abdominal (10% des cas de cystotomie), ayant pour conséquence une survie moyenne réduite (57 jours sous traitement médical lors d’essaimage abdominal vs 231 jours en l’absence d’essaimage) (7, 13, 15).

La mutation BRAF (détection par PCR amplifiée) est présente dans plus de 80% des carcinomes urothéliaux : l’examen est réalisé sur urines récoltées par mictions (12). La présence de cette mutation pourrait constituer une cible thérapeutique future.

La cytologie par cathétérisme urétral traumatique est beaucoup plus sensible que la cytologie du culot (10).

Le prélèvement de biopsies sous cystoscopie est la méthode de référence permettant d’établir un diagnostic chez 96% des femelles et 65% des mâles (5).

La résection chirurgicale est rarement envisageable étant donné la localisation souvent proche du trigone et des abouchements urétéraux. Une cystectomie partielle doit cependant être envisagée lors de tumeur non métastatique (T1-T2N0M0) et localisée hors trigone (apex) et après un bilan d’extension local par cystoscopie : la cystectomie partielle associée au piroxicam a permis des survies jusque 2 ans (9).

Le traitement médical est le pilier du traitement et repose sur l’utilisation séquentielle de cytotoxiques associés aux anti-inflammatoires antiCOX : il permet d’obtenir des rémissions partielles ou une stabilisation de la maladie. Le protocole de chimiothérapie initial est poursuivi tant que la tumeur est contrôlée cliniquement et par échographie 2D standardisée toutes les 4 à 8 semaines (8). Lors de progression du cancer ou de toxicité, une molécule de 2e intention est utilisée. Cette approche permet de contrôler la croissance tumorale chez 75% à 80% des chiens. La qualité de vie est généralement très bonne et la survie prolongée autour d’une année (1, 2).

L’évolution locale de la maladie lorsqu’elle génère des obstructions des voies urinaires est souvent le facteur conduisant à l’euthanasie. La pose d’un stent constitue un traitement palliatif permettant de restaurer rapidement une perméabilité urétrale ou urétérale, sans complication majeure et participe à prolonger la survie (autour de 80 jours). De l’incontinence, des réobstructions surviennent dans une minorité de cas (3, 11, 16).

Les infections urinaires sont une complication fréquente des tumeurs vésicales du fait de l’altération des systèmes de défense du tractus urinaire : 55% des cas présenteront une infection au cours de l’évolution de la maladie, en particulier lors d’envahissement urétral (75% présenteront une infection urinaire contre 30% en l’absence d’envahissement urétral) et chez la femelle (80% présenteront une infection contre 30% chez les mâles) : elles peuvent mimer une progression de la maladie, et sont à envisager notamment chez la femelle et lors d’envahissement du trigone ou de l’urètre (envahissement présent dans 2/3 à ¾ des cas) (4).

Discussion

Allstadt and coll JVIM 2015 Randomized Phase III Trial of Piroxicam in Combination with Mitoxantrone or Carboplatin for First-Line Treatment of Urogenital Tract Transitional Cell Carcinoma in Dogs

Arnold and coll JVIM 2011Clinical Trial of Vinblastine in Dogs with Transitional Cell Carcinoma of the Urinary Bladder

Blackburn JAVMA 2013 Evaluation of outcome following urethral stent placement for the treatment of obstructive carcinoma of the urethra in dogs: 42 cases (2004-2008)

Budrekis and coll JVIM 2015 Bacterial Urinary Tract Infections Associated with Transitional Cell Carcinoma in Dogs

Childress and coll JAVMA 2011 Results of biopsy via transurethral cystoscopy and cystotomy for diagnosis of transitional cell carcinoma of the urinary bladder and urethra in dogs: 92 cases (2003–2008)

De Brot and coll Oncol Lett 2018 The dog as an animal model for bladder and urethral urothelial carcinoma: Comparative epidemiology and histology

Higuchi and coll JAVMA 2013 Characterization and treatment of transitional cell carcinoma of the abdominal wall in dogs: 24 cases (1985–2010)

Honkisz and coll Vet J 2018 Evaluation of two-dimensional ultrasonography and computed tomography in the mapping and measuring of canine urinary bladder tumors

Marvel and coll Vet Comp Oncol 2017 Clinical outcome of partial cystectomy for transitional cell carcinoma of the canine bladder

McAloney and coll Vet Comp Oncol 2021 Comparison of pathologist review protocols for cytologic detection of prostatic and urothelial carcinomas in canines: A bi-institutional retrospective study of 298 cases

McMillan JAVMA 2012 Outcome of urethral stent placement for management of urethral obstruction secondary to transitional cell carcinoma in dogs: 19 cases (2007–2010)

Mochizuki and coll PLoS One 2015 Detection of BRAF Mutation in Urine DNA as a Molecular Diagnostic for Canine Urothelial and Prostatic Carcinoma

Nyland and coll Vet RAdiol Ultrasound 2002 Needle-tract implantation following us-guided fine-needle aspiration biopsy of transitional cell carcinoma of the bladder, urethra, and prostate

Rocha and coll JVIM 2020 Prognostic Factors in Dogs with Urinary Bladder Carcinoma

Vignoli and coll Schweiz Arch Tierheilkd 2007 Needle tract implantation after fine needle aspiration biopsy (FNAB) of transitional cell carcinoma of the urinary bladder and adenocarcinoma of the lung

Weisse JAVMA 2006 Evaluation of palliative stenting for management of malignant urethral obstructions in dogs